Article paru dans India Today Magazine, le 16 mars 2020 (ici)  :

Chaque jour, des milliers de gens viennent trouver du réconfort, de la sagesse spirituelle et des bénédictions auprès d’Amma, qui les donne sous la forme d’une étreinte maternelle.

Sri Mata Amritanandamayi Devi (Amma) est une figure humanitaire et spirituelle mondialement connue. Amma est à la tête du Mata Amritanandamayi Math opérnat sous le nom d’Embracing the World, organisation internationale à but non lucratif qui s’engage à fournir de la nourriture, des vêtements et des abris aux pauvres et aux nécessiteux. Embracing the World a aidé plus de 200 000 femmes à créer leurs propres entreprises à domicile avec l’appui de formations professionnelles, de micro-financements et de groupes d’entraide. Amma est également présidente des écoles et universités Amrita, qui ont obtenu en 2016 la toute première chaire UNESCO pour l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes. Chaque jour, des milliers de gens viennent trouver du réconfort, de la sagesse spirituelle et des bénédictions auprès d’Amma, qui les donne sous la forme d’une étreinte maternelle.

Amma est internationalement connue comme chef spirituel et figure humanitaire. Qu’est-ce qui vous a inspirée à vous engager sur cette voie ?

AMMA : Je suis une mère. Tout comme la nature de la rivière est de couler et celle du fruit d’être sucré, ma nature intrinsèque est la compassion maternelle. Que puis-je y faire ? Ce sentiment d’unité est pour moi très réel. Je vois les autres comme moi-même et, en ressentant leur douleur, leur chagrin et leurs problèmes, je souhaite leur venir en aide. Il en est ainsi depuis que je suis née. Je ne ressens aucune distinction. Telle est simplement ma nature. Lorsque notre main gauche est blessée, notre main droite vient immédiatement la caresser pour la soulager et lui appliquer un remède si nécessaire. Cela s’explique par le fait qu’elle ne considère pas la main gauche comme différente d’elle. Si nous comprenons les principes spirituels, c’est ainsi que nous réagirons en voyant les autres souffrir.

Beaucoup de vos actions parlent de paix. Quel lien voyez-vous entre les femmes et la paix ?

AMMA : Les femmes sont des mères, et la mère est le premier maître spirituel. Au sein de l’utérus, l’enfant ne fait qu’un avec la mère. Le bébé mange, boit et respire grâce à sa mère. Même après la naissance, cette connexion demeure au niveau subtil. Si elles s’en donnent la peine, les mères peuvent donc semer des graines de bonté et de culture chez leurs fils et leurs filles. Outre le lait maternel, elles peuvent transmettre la compassion, la patience, l’altruisme, la sérénité, etc. Ainsi, grâce à l’influence qu’elles exercent sur leurs enfants plus que n’importe qui d’autre, ce sont elles qui influent sur l’avenir du monde. La femme qui a éveillé ses qualités maternelles, transforme la terre en paradis, où qu’elle se trouve. C’est elle qui berce l’enfant et éclaire le monde.

Diriez-vous que le féminin détiendrait la clé de la survie de l’humanité, et pourquoi ?

AMMA : Oui, car ces qualités maternelles – gentillesse, patience, ajustement, compassion, paix, altruisme, humilité – sont plus que jamais nécessaires. Ces qualités doivent s’éveiller au sein de la société – tant chez les femmes que chez les hommes – si nous voulons survivre.

Amma est considérée comme une « incarnation de l’amour pur ». D’où vous vient tout cet amour ?

AMMA : La source est à l’intérieur. L’infini est à l’intérieur. En fait, l’amour est la véritable nature de chacun. Il est l’expression de l’unique Soi véritable, c’est-à-dire le véritable cœur de chacun. Nous sommes censés être sur terre pour naître dans l’amour, vivre dans l’amour, et finir nos jours dans ce même amour. Cet amour est la trame sur laquelle chaque aspect de la création est tissé à la manière de perles sur un fil, qu’il s’agisse des êtres humains, de la nature, de Dieu. Étant notre essence même, l’éclat fulgurant de l’amour nous habite donc à tout jamais. Tragiquement, la grande majorité d’entre nous meurent sans jamais l’avoir ressenti. Lorsque les gens viennent à moi, l’amour que je ressens pour l’univers tout entier s’écoule vers eux. Pour beaucoup, c’est comme s’abreuver d’eau fraîche et pure pour la première fois.

Qu’est-ce que « l’autonomisation des femmes » ? S’agit-il d’égalité des genres ou cela va-t-il plus loin ?

AMMA : Fondamentalement, « l’autonomisation des femmes » c’est quelque chose qui devrait se produire à l’intérieur. En vérité, les femmes sont déjà puissantes. Dans le Sri Lalita Sahasranama (récitation de mantras à la mère divine) , la mère divine est décrite comme « iccha-sakti jnana-sakti kriya-sakti svarupini » : celle dont la forme inhérente est la puissance de la volonté, de la connaissance et de l’action. En vérité, ces trois forces sont inhérentes à chaque femme mais nombre d’entre elles n’en sont pas encore conscientes. Les femmes ne sont ni faibles ni sans défense. La société a inventé ça pour les enchaîner. Rien n’est impossible à une femme déterminée. Il faut seulement créer un environnement favorable à l’éveil de sa force intrinsèque. Grâce aux programmes d’autonomisation des femmes d’Embracing the World, nous essayons de créer un environnement permettant de contribuer à cet éveil. Après le tsunami de 2004, nous avons lancé un programme appelé AmritaSREE, pour l’autonomie, l’emploi et l’émancipation des femmes. Aujourd’hui, plus de 200 000 Indiennes y participent. Ce programme procure à ces femmes un capital de départ et les compétences nécessaires pour démarrer leur propre entreprise.

Quelles sont les qualités d’une femme devenue autonome ? Comment les femmes peuvent-elles s’autonomiser tout en restant féminines ?

AMMA : Rien n’est impossible à une femme déterminée. Aujourd’hui, on voit des femmes réussir dans les sphères politiques, sociales et économiques. Les femmes peuvent faire tout ce que font les hommes mais elles doivent rester fermement ancrées dans leur nature maternelle. C’est sans s’éloigner de ce socle qu’elles doivent s’efforcer d’exceller dans tous les autres domaines. Notre culture possède le concept du Dieu Ardhanarisvara, mi-femme mi-homme. Cela signifie que la plénitude advient avec l’équilibre de nos qualités féminines et masculines. N’en déduisons pas cependant que les femmes devraient imiter le comportement, les manières et la tenue vestimentaire des hommes.

Expliquez-nous ce qu’est « Embracing the World ».

AMMA : Il s’agit du nom donné aux programmes humanitaires caritatifs menés par les dévots d’Amma dans le monde entier. J’ai de nombreux dévots qui souhaitent donner à la société de manière désintéressée. Grâce à l’ashram en Inde et à d’autres groupes à l’étranger, nous avons réussi à offrir de nombreux services aux pauvres et aux malades. Nous avons construit plus de 47 000 logements pour les sans-abris en Inde. Nous avons porté les premiers secours aux sinistrés de désastres : tsunamis, séismes, inondations et cyclones. Nous avons prodigué soins et interventions chirurgicales gratuites pour les plus démunis, distribué 50 000 bourses pour des enfants pauvres, créé des groupes d’entraide autogérés pour les femmes, mené des actions de nettoyage de l’environnement et des campagnes de plantation d’arbres, soutenu des orphelinats, et adopté 101 villages en Inde. Il y a tant et tant de programmes. Pour Amma, servir les pauvres et les nécessiteux, c’est servir Dieu. On peut débattre de l’existence de Dieu mais aucune personne sensée ne peut nier la pauvreté et la souffrance. Elles sont là, sous nos yeux. Faisons ce que nous pouvons pour y remédier.

À l’occasion de la journée internationale des femmes, quel est le message le plus important que vous souhaitez adresser aux jeunes femmes ?

AMMA : Les hommes ont peut-être plus de force musculaire que les femmes, mais les femmes ont un muscle qui les rend plus fortes qu’eux et qu’elles doivent renforcer : c’est le muscle du cœur. Pour les femmes, chercher à rivaliser avec les hommes en développant leur force musculaire physique, c’est commettre une nouvelle erreur pour essayer de corriger la précédente. Autant essayer de connecter les deux pôles positifs d’un aimant. Cela ne mènera la société nulle part. Les femmes doivent se souvenir de ce que je leur dis : vous n’êtes pas des bougies qui ont besoin de quelqu’un d’autre pour être allumées, vous êtes le soleil qui brille de lui-même. Vous n’êtes pas de petits chatons dépendants et sans défense ; cultivez le courage et la force pour rugir comme des lionnes.