« C’est le moment que nous attendions tous. Le moment que pratiquement tout le monde sur cette planète attendait. Ce que chacun d’entre nous attendait : l’avenir ! Nous attendons toujours l’avenir. Nous ne sommes jamais dans le moment présent. Le problème est que ce moment, ce qui se passe dans le monde entier en ce moment, n’est pas l’avenir que nous attendions. Ce n’est pas l’avenir que nous voulions ou dont nous rêvions, alors nous trouvons assez inconfortable, même gênant, de vivre dans ce moment présent. Néanmoins, c’est une réalité indéniable.
À qui la faute si l’avenir dans lequel notre esprit a baigné pendant tout ce temps ne s’est pas manifesté ? À qui se plaindre amèrement de tous les désagréments que nous avons à subir ces jours-ci ? Nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes, car comme le dit Amma, « l’homme et la nature sont perpétuellement en situation de miroir ». Elle a déclaré il y a 26 ans : « Tout changement même minime dans la nature, par exemple dans un organisme unicellulaire, tout changement même minime affectera notre vie sur cette planète. De même, nos pensées et nos actions ont un effet sur la nature. Si l’équilibre de la nature est rompu, l’harmonie de la vie humaine sera également détruite, et vice versa. »
Plus récemment, Amma a déclaré dans son message à propos du Coronavirus : « L’égoïsme de l’homme à l’égard de la nature nous revient aujourd’hui sous la forme de ce genre d’épidémies. » Il suffit de penser à toutes les souffrances que nous avons infligées à la nature. Par exemple, chaque année, à cause de l’homme, une zone de la taille du Costa Rica est déboisée. La désertification mange une zone de la taille de la Grèce et de l’Irlande réunies. N’est-ce pas la Nature qui devrait nous trouver malveillants ? Ne serait-ce pas à elle de se plaindre de nous ? Les gens pourraient se demander : « La Nature ne nous aime-t-elle donc pas, nous, ses enfants ? » Bien sûr que si. Elle nous aime bien plus que nous ne l’aimons.
Imaginez que vous êtes un parent et que vous vous réveillez au milieu de la nuit en toussant. Il y a de la fumée dans toute la maison et vous vous rendez compte qu’elle est en feu. Vous vous précipitez immédiatement dans la chambre de vos enfants et vous criez : « Les enfants, réveillez-vous ! » Si vos enfants dorment profondément et ne réagissent pas, les laisserez-vous continuer à dormir ? Non, vous les secouerez de toutes vos forces. S’ils se plaignaient en disant : « Je ne veux pas me réveiller », vous feriez tout pour les ramener à la raison, quitte à les secouer violemment. Pas parce que vous les détestez, mais parce que vous les aimez.
En vérité, nous sommes tous profondément endormis dans notre vie inconsciente d’égoïstes. Nous avons incendié le monde avec les flammes de l’égoïsme, puis nous nous sommes endormis au beau milieu du brasier. Dans sa compassion, Mère Nature sonne le réveil, pour nous permettre d’échapper aux flammes avant qu’il ne soit trop tard.
Dans la situation mondiale actuelle, nous pouvons avoir le sentiment que de nombreux événements inattendus entravent notre chemin, nous obligeant à modifier nos plans. En fait, cela devrait nous apprendre à ne pas nous attacher à nos plans, car nous ne pouvons pas vraiment contrôler tout ce qui se passe autour de nous. Il suffit de penser aux 230 000 personnes qui ont perdu la vie lors du tsunami de décembre 2004. Nous pouvons être sûrs qu’elles avaient beaucoup de projets pour la journée, le mois, l’année, et pour toute leur existence. Rien de tout cela n’est jamais arrivé.
D’où la récente déclaration d’Amma : « Maintenant, vous avez compris que notre vie n’est que dans le moment présent. Même notre prochaine respiration n’est pas entre nos mains. Notre véritable longévité est déterminée par la façon dont nous utilisons à bon escient, ou pas, le moment présent, parce que c’est là qu’est notre vie. »
Ainsi, au lieu de nous irriter de la crise actuelle, nous pourrions peut-être utiliser le moment présent à bon escient pour en tirer des leçons. Qu’est-ce que cette crise nous apprend sur nous-mêmes, sur notre monde et sur notre conscience collective ?
Le coronavirus fait certainement des ravages : près de 1,5 million de cas confirmés et 85 000 décès à ce jour. Ces statistiques font peur à beaucoup de gens dans le monde entier. Bien sûr, Amma dit dans son message : « Ce n’est pas le moment d’avoir peur, c’est le moment de rassembler le courage qui est en nous. » Et n’oublions pas non plus que chaque année, plus de 3,4 millions de personnes meurent de maladies dues à la mauvaise qualité de l’eau. En outre, environ 9 millions de personnes meurent de faim chaque année. Nous ne connaissons peut-être pas personnellement ces 12,4 millions de personnes, mais le coronavirus nous fait encore plus peur, car il nous affecte personnellement. Est-ce vraiment juste ?
Ce que nous voyons, c’est que l’adversité révèle ce qui se cache sous la surface de notre individualité. C’est une autre partie des retombées du coronavirus. Dans les bons moments, nous pouvons projeter une image de nous-même que nous voulons que les autres voient, mais dans des moments comme celui-ci, nous ne pouvons plus cacher ce qui se cache en nous, y compris notre égoïsme. N’est-ce pas pour cela que nous voyons des gens se battre dans les magasins pour des choses comme le papier toilette et le lait ? En vérité, nous pouvons considérer tout ce qui se passe maintenant comme un enseignement.
C’est un test d’effort pour toute l’humanité qui nous montre ce sur quoi nous devons vraiment nous concentrer et ce sur quoi nous devons travailler. Si nous utilisons cette opportunité à fond, une croissance spirituelle accélérée est garantie. Il est donc temps de mettre la théorie en pratique. C’est le test qui nous permet de voir ce que la spiritualité nous a vraiment appris. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’une spiritualité qui puisse être appliquée dans la vie quotidienne. Alors que le virus nous force à nous concentrer, nos faiblesses sont révélées les unes après les autres et nous pouvons enfin faire quelque chose pour y remédier.
Ce qui aurait pris des années, voire des vies entières, peut maintenant être réalisé en peu de temps. Étudions donc les enseignements du coronavirus. Tout comme Krishna a donné la »Bhagavad Gita » à Arjuna, nous avons maintenant Coronavirus qui donne la »Corona Gita » à toute l’humanité.
Il y a trois points que je voulais aborder à ce sujet.
Tout d’abord, une question : Est-ce un bon ou un mauvais moment ? Je dirais que cela dépend de ce que vous attendez de la vie. Habituellement, un « bon moment » matériellement parlant n’est pas un « bon moment » spirituellement parlant. Pourquoi ? Parce qu’un « bon moment » est en général synonyme de succès matériel facile, et alors nous avons généralement tendance à oublier la spiritualité. Nous oublions Dieu. Nous oublions notre vrai moi. Le goût du succès nous donne envie de toujours plus, et nous devenons de plus en plus occupés à des actions matérielles, qui en arrivent bientôt à consommer tout notre temps et toute notre énergie, généralement au détriment de notre vie spirituelle. Je dis « généralement », bien sûr, il y a beaucoup d’exceptions. Je suis sûr que vous n’avez pas tous ce problème. Il n’y a que des gens comme moi qui ont ce problème, donc il y a des exceptions, bien sûr.
Mais lorsque les choses basculent inévitablement vers l’autre extrême, comme c’est le cas actuellement, notre première réaction est : « Oh la la ! quel mauvais moment à passer ! » De telles déclarations supposent que notre objectif premier est la prospérité matérielle. Et si nous laissions tomber cette hypothèse juste un instant ? Il y a peut-être d’autres objectifs dans la vie. Eh bien, si vous mettiez un moment de côté cette hypothèse, vous pourriez vous retrouver ici même à Amritapuri, le principal ashram d’Amma dans le sud de l’Inde. C’est le paradis ici maintenant. On ne pourrait pas faire mieux, parce que c’est un moment merveilleux pour les activités spirituelles.
Permettez-moi de vous faire part de quelque chose d’un peu personnel. Certains d’entre vous savent peut-être qu’en astrologie védique, indienne, il y a des grandes périodes astrologiques. Elles durent de six à vingt ans et une personne de longévité moyenne connaîtra cinq à sept de ces grandes périodes, donc elles n’arrivent pas si fréquemment que cela. La dernière fois qu’une période astrologique majeure a changé pour moi, c’était au milieu des années 2000, et depuis lors, je savais que le prochain changement majeur se produirait au printemps 2020. Aujourd’hui, Amma dit souvent que ces changements d’époque, peuvent apporter des défis dans notre vie. Mais je regarde rarement mon horoscope personnel, alors j’avais complètement oublié quand cela allait se produire.
Allez savoir pourquoi cependant, la veille de la cérémonie au cours de laquelle tant de disciples d’Amma ont été initiés au sannyãsa, la robe ocre, et au brahmacharya, la robe jaune, pour faire simple, je me suis souvenu qu’une nouvelle période astrologique devait bientôt commencer pour moi. J’ai donc décidé de vérifier mon thème pour confirmer que ce dont je croyais me souvenir devait commencer mi-avril. Je m’étais trompé, la période suivante avait déjà commencé. Quand a-t-elle commencé ? Le jour exact où j’ai mis le pied en Inde, pour l’initiation formelle à une vie de renoncement. Quelle confirmation de la grâce et de la protection d’Amma ! je n’ai pas pu retenir mes larmes.
Ce n’était pas des larmes de tristesse, mais de joie spirituelle. Je pensais : « Quel meilleur moment pour recevoir l’initiation ? Quel meilleur endroit ? Amritapuri est le meilleur endroit au monde pour moi. Quel meilleur maître spirituel qu’Amma ? Quelle meilleure façon de passer le reste de ma vie ? » En fait, la période astrologique actuelle n’est pas du tout propice au succès mondain mais elle est devenue le moment idéal pour réaffirmer mon orientation vers la vie spirituelle.
En fait, nous pouvons tous utiliser la situation actuelle à cette fin, pour réaffirmer l’importance que nous accordons à la vie spirituelle. Ne vous inquiétez pas. Vous n’avez pas à renoncer au monde, il suffit de garder à l’esprit cette intention : « Que toutes mes actions soient pour le bien du monde ».
Hier, Amma a répondu à une question sur nos besoins physiques et émotionnels. Elle a déclaré que « vivre dans le monde c’est comme se baigner dans une rivière ». La plupart d’entre nous n’ont pas compris ce genre d’analogie. Elle a ajouté : « Nous prenons un bain dans la rivière uniquement pour purifier notre corps. Mais dès le début, notre intention est de sortir et de rentrer chez nous. »
Quelle belle analogie, car les actions désintéressées que nous accomplissons dans le monde purifient notre esprit. Mais Amma voulait dire que notre but ultime devrait être de retourner dans notre demeure : l’Atman ou le vrai Soi. Ce genre d’attention portée à la spiritualité pendant que nous vivons dans le monde signifie que nous devrions au moins essayer de voir la signification spirituelle de tout ce qui nous arrive, y compris le coronavirus.
Alors à quoi servent les mauvais moments actuels, les mauvais moments supposés ? Si nous regardons avec un œil impartial, nous nous trouvons maintenant dans un environnement mondial bien orchestré pour la spiritualité et les pratiques spirituelles. Avec toutes les mesures de confinement, les quarantaines, les ordres de rester à la maison et la distanciation sociale. Aujourd’hui, le monde entier goûte à la vie d’ashram, à la vie dans une communauté spirituelle. Les choses qui gardaient notre esprit fragmenté, diffus, agité et inquiet ont pour la plupart disparu, au moins temporairement. Sans les excuses habituelles et avec beaucoup plus de temps libre, nous pouvons enfin faire nos pratiques spirituelles comme nous l’avions rêvé. Cependant, pour ceux dont l’intérêt premier est le matérialisme, oui, cela peut s’avérer assez difficile. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle le taux de divorce et de violence domestique est actuellement en forte hausse dans de nombreux pays. Nous sommes condamnés à souffrir si nous cherchons la mauvaise chose au mauvais moment. N’est-il pas plus sage de découvrir les possibilités spirituelles qui existent actuellement et de les exploiter ?
En préparation de la récente cérémonie d’initiation à une vie de renoncement total, j’ai compilé les citations d’Amma sur le renoncement. Et je pense que l’une d’entre elles est particulièrement pertinente ici. Elle dit : « Que vous soyez propriétaire ou sannyãsin (renonçant), c’est par le renoncement que vous arriverez au but. Intérieurement, les chefs de famille devraient avoir une attitude de renoncement. » En fait, c’est tellement logique parce que lorsque vous vous mariez, vous devez faire certains sacrifices pour le bonheur de votre partenaire. Lorsque vous avez des enfants, vous devez faire encore plus de sacrifices ; vous devez renoncer dans une certaine mesure à vos propres plaisirs pour les autres. Amma dit : « Ils doivent avoir cette attitude de renoncement même en étant mariés. À l’extérieur, ils peuvent être actifs, exercer leurs fonctions ; ils peuvent avoir des désirs et des besoins à satisfaire, ils peuvent avoir besoin d’acquérir des postes. Mais en même temps, ils doivent se préparer à tout laisser tomber à tout moment. Si nécessaire. Si ce n’est pas le cas avant, nous devrons tous tout laisser tomber au moment de la mort. »
Elle ajoute : « Le sannyãsin, le renonçant qui vit dans le monde, devrait aussi être comme ça. » Regardez les disciples d’Amma, ou Amma elle-même, doivent s’occuper de tant d’institutions, des problèmes d’innombrables personnes. Nous devons, à notre petite échelle, aider les gens à partager leurs problèmes et à vivre dans le monde où se trouvent les Centres d’Amma. Ils sont dans la société. Nous devons gérer toutes ces choses. Elle dit : « Nous devons être dynamiques dans nos actions mais détachés à l’intérieur. » Essayer, essayer… C’est le secret. Elle dit : « Il faut être dynamique dans le monde mais détaché à l’intérieur. » Elle dit : « Le sannyasin, le renonçant, est quelqu’un qui consacre toute sa vie, tant extérieure qu’intérieure, au bien du monde. Alors que les renonçants vivant dans le monde, (elle qualifie tout le monde de renonçants vivant dans le monde) vivent une vie de famille à l’extérieur tout en ayant une vie de renonçant intérieurement. Cela signifie simplement que vous avez une famille mais que vous vivez quand même pour le bien du monde.
C’est maintenant l’occasion idéale pour nous tous de réaliser et de mettre en pratique ces points. Pensez simplement, lorsque l’esprit s’oppose à toutes les règles et réglementations concernant le coronavirus comme « restez à la maison et mettez un masque », essayez de vous rappeler que ces règlements ne sont pas pour notre propre bien personnel mais pour le bien de tous les êtres. Nous pouvons prendre la résolution suivante : « Que mon petit sacrifice puisse réduire un peu les souffrances du monde. » Nous pouvons le faire chaque jour.
Le point suivant est que c’est vraiment un bon moment pour ressentir de la gratitude. Nous ne devons pas oublier notre sentiment de gratitude dans des moments comme celui-ci, car il y a toujours quelque chose dont on peut être reconnaissant. Il y a toujours quelqu’un qui est confronté à des défis plus importants que les nôtres. Lorsque nous nous souvenons de telles personnes, la compassion latente s’éveille en nous et nous ressentons spontanément de la gratitude également.
C’est l’histoire d’un garçon qui va au centre commercial avec sa mère et en passant devant le magasin de chaussures, il s’écrie : « Maman ! Maman ! Achète-moi ces nouvelles chaussures là. » Et sa mère lui dit patiemment : « Non, chéri, tu sais que maman n’a pas assez d’argent sur elle en ce moment et nous avons beaucoup d’autres courses à faire, alors on verra peut-être la prochaine fois. » Le garçon pleure de plus belle et crie de plus en plus fort, au point que sa mère doit quitter précipitamment le centre commercial. En sortant, le garçon, toujours en train de hurler, voit sur le trottoir un autre garçon qui n’a pas de chaussures du tout. S’arrêtant de pleurer, il dit : « Au moins, moi j’ai des chaussures ». Voyant un autre garçon très bien chaussé, le garçon aux pieds nus éprouve de la tristesse. Il se met alors à pleurer parce qu’il n’a même pas une seule paire de chaussures. Il descend la rue en pleurant se disant : « Je suis le garçon le plus malchanceux du monde » jusqu’à ce qu’il voie un autre garçon qui n’a pas de pieds. Il se dit alors : « Moi au moins, j’ai deux pieds » et il arrête de pleurer. C’est ainsi que nous nous apitoyons trop souvent sur notre sort, nous prenons les choses pour argent comptant et nous oublions que nous avons tant de raisons d’être pleins de gratitude.
Cela s’est produit il y a longtemps. La première fois que je suis venu dans cet ashram d’Amritapuri, c’était en janvier 1991 et à cette époque, surtout pour les visiteurs occidentaux, il était très facile de passer au darshan. Nous pouvions avoir un darshan tous les jours et, je dois avouer que nous avons commencé à trouver cela normal – du moins c’est ce que j’ai fait. Nous nous disions : « Que vais-je demander à Amma aujourd’hui ? » Il était très facile d’avoir le darshan et l’on pouvait poser des questions. Même si je n’avais pas de question, il fallait que je trouve une question à poser à Amma. C’était vraiment une perte de temps pour Amma. Un jour, que je voulais passer au darshan, Amma m’a regardé en disant : « Mon fils, ne t’inquiète pas, tu n’as pas à venir au darshan tous les jours. » Je lui ai répondu : « Ah bon, je ne te manquerai pas si je ne passe pas au darshan tous les jours ? … Oh… c’est un problème pour moi, pas pour Amma. » Après cela, j’ai compris à quel point le darshan d’Amma était précieux, parce que je ne pouvais plus l’avoir tous les jours. Maintenant je ne vais plus jamais de darshan, donc il est encore plus précieux… Mais j’ai commencé à voyager avec Amma et au bout de quelques années, surtout de 1999 à 2003, j’ai eu l’immense chance de pouvoir voyager presque partout avec elle.
Mais avant la tournée européenne de 2003, je suis allé voir Amma, ici à Amritapuri, et je lui ai posé une question, en pensant qu’elle allait vite me dire oui. « Amma, je vais aller en Europe, hein ? » Avec un sourire, elle m’a dit : « Ne t’inquiète pas, Amma va s’adapter, Amma va se débrouiller… » « Tu veux dire… que tu te débrouilleras sans moi ? Tu t’adapteras sans moi ? C’est vrai ? Comment est-ce possible ? » C’est ce que je ressentais à l’époque… Mais bien sûr, c’est moi qui ai besoin d’elle ! Nous l’oublions ! Elle n’a besoin d’aucun d’entre nous, et bien sûr, la tournée européenne s’est très bien passée sans moi. Par la suite, elle m’a dit que je pouvais venir, mais pendant quelques semaines, j’ai vraiment ressenti la douleur de ne pas pouvoir voyager avec Amma. Et vous savez, c’était très bien, je suis content qu’elle m’ait dit que je ne pouvais pas avoir de darshan tous les jours, je suis content qu’elle ait dit « je peux me débrouiller sans toi ». Parce que de cette façon, je ressens encore plus de gratitude pour sa présence.
En un sens, j’ai ressenti la même chose en arrivant cette fois-ci. Tous les étrangers qui n’étaient pas venus ici depuis un certain nombre de jours, devaient être mis en quarantaine. Nous avons tous été mis en quarantaine pendant plusieurs jours. Même ici, à quelques dizaines de mètres d’Amma, nous ne pouvions même pas la voir. Ce fut une épreuve dure, mais cela nous a rendus encore plus reconnaissants pour sa présence.
Ainsi, faisons le point sur toutes ces choses dont nous pouvons être reconnaissants dans la situation actuelle. Vous avez probablement votre liste, mais je pense à … pas de circulation, pas de queues, du carburant probablement très bon marché, d’après ce que j’entends… du temps en famille avec les enfants, ou bien si l’on n’a pas de famille, du temps pour être seul et en silence, ce qui arrive rarement aussi. Pouvoir manger des repas faits maison, une meilleure qualité de l’air en raison de la diminution de l’activité. Du temps pour profiter de plaisirs simples : faire du yoga, lire des livres spirituels, respirer profondément, réciter son mantra si on en a un, réfléchir au sens de la vie – combien de fois cela nous arrive-t-il ? Et méditer ; méditer sur Dieu, sur le vrai Soi, sur Amma, sur tout ce que vous voulez.
Autre recommandation à mettre en pratique : quand vous obtenez quelque chose dont vous avez besoin. Surtout en cette période difficile, il peut être difficile d’obtenir les choses dont on a besoin, alors quand vous aurez enfin ce dont vous aviez besoin, commencez par remercier. Vous pouvez remercier Dieu, remercier l’Univers, remercier Mère Nature. Remercier les fabricants, remercier le livreur, et les personnes qui vont s’occuper des futurs déchets. Nous avons besoin de la grâce de tous ces gens pour profiter de ces objets du monde. La gratitude est donc fondamentale dans la vie, et c’est un magnifique enseignement qui nous est donné maintenant. Ne gâchons pas cette opportunité.
C’est aussi un moment merveilleux pour s’entraîner à l’abandon. Je sais maintenant que l’expression « abandon de soi » est un peu mal vue par les Occidentaux. Nous avons ce concept de victoire, « je ne vais pas abandonner, je vais gagner ». Ce n’est pas ce sens de l’abandon. C’est un mot important dans la spiritualité. Nous y viendrons. Permettez-moi d’utiliser ce mot et n’ayez pas peur quand je l’utilise. Amma dit toujours que « notre effort n’est que l’un des innombrables facteurs qui déterminent le résultat de nos actions », comme en témoigne la situation actuelle. Donc, si nous voulons que nos efforts soient fructueux, ce dont nous avons réellement besoin, c’est de la grâce divine. L’abandon de soit inclut l’effort personnel. Ainsi, s’abandonner ce n’est pas simplement rester assis sans rien faire. C’est fournir des efforts mais en se souvenant que ce n’est pas suffisant. Mettons bien l’accent sur la prière pour la grâce.
C’est pourquoi Amma a déclaré dans son message du 11 mars : « La spiritualité nous apprend à ne pas fuir les défis de la vie, mais à les affronter courageusement ». Cependant, elle a elle-même posé la question : « Comment s’y prendre dans la situation actuelle ? » C’est comme si un terroriste attendait devant chez vous. Dès que vous ouvrez votre porte, il s’approche et vous attaque. La situation est similaire avec ce virus. Nous n’avons donc guère le choix. Dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons que prendre les précautions nécessaires et prier pour la grâce divine. Prendre des précautions avec l’effort personnel et ensuite s’abandonner à la grâce divine.
Mais quand nous prions, nos prières peuvent être de différentes sortes. Nous pouvons prier par peur. En réalité, on considère que c’est un niveau de prière très élémentaire ; ce n’est pas du tout une spiritualité mature. Ensuite, les gens ont tendance à prier pour la réalisation de leurs désirs. C’est encore immature parce que c’est égocentrique. La vraie spiritualité commence lorsque nous embrassons la prière désintéressée, par amour joyeux pour Dieu, par compassion pour tous les êtres ou par désir de connaître Dieu, de connaître notre vrai Soi.
Ainsi, lorsque nous pratiquons l’abandon en priant pour la grâce, cela ne devrait pas être seulement pour nous. Incluons dans nos prières toutes les personnes qui souffrent bien plus que nous. Souvenez-vous de ceux qui sont plongés dans la souffrance en ce moment, de ceux qui meurent sans leurs proches à leurs côtés parce qu’ils les infecteraient ; de ces proches qui ne peuvent pas soulager les souffrances des membres de leur famille dans les dernières heures de leur vie. Nous pouvons prier pour tous ces gens aussi.
À Amritapuri, ceux d’entre nous qui sont venus de l’étranger, pourraient dire qu’ils sont tous coincés ici, au moins jusqu’à la fin avril, plus probablement bien plus longtemps que cela. Pas d’avions nulle part. Impossible de sortir. Dans un sens, nous n’avons aucune liberté physique. Mais si nous nous abandonnons à cette situation – la seule option qui nous reste – nous découvrons un tout autre monde de liberté intérieure. Lorsque nous cessons de nous préoccuper de la protection de notre santé physique, nous ouvrons la porte à l’amélioration de notre santé intérieure. Lorsque nous cessons de nous préoccuper de notre richesse matérielle, nous pouvons commencer à accumuler des richesses spirituelles. Lorsque nous cessons de regretter de ne plus pouvoir côtoyer physiquement notre cercle d’amis, nous pouvons enfin côtoyer les amis intérieurs, nos pensées spirituelles et le souvenir de Dieu, du maître spirituel, d’Amma, du véritable Soi, tout ce que vous voulez. L’abandon de soi n’affaiblit pas. Il libère la véritable force qui est en nous. Il nous permet de libérer cette force.
Cet ashram, Amritapuri, a toujours été le terrain d’entraînement d’Amma pour nous apprendre à faire face et à surmonter tous les défis de la vie. J’avoue que lorsque je suis arrivé ici, cela m’a parfois rendu fou. « Oui » ne voulait pas nécessairement dire quelque chose et « demain » pouvait vouloir dire quelque chose entre le lendemain et l’infini. Il a fallu beaucoup de temps à mon esprit occidental pour comprendre que je n’étais pas là pour faire le travail ou du moins pas le travail auquel je pensais. En fin de compte, mon esprit occidental a dû s’abandonner à la réalité que le seul travail sur lequel je devais me concentrer c’était de surmonter les défis posés par les négativités de mon esprit. Et cela s’est avéré beaucoup plus difficile que n’importe quelle tâche physique.
En fait, Amma a dit elle-même un jour : « Cet ashram est un très bon champ de bataille. Quiconque vient sur ce terrain doit se battre. Certains seront blessés. Certains se retireront et s’enfuiront. Mais si vous réussissez ici, vous pouvez conquérir le monde entier. Amma attend de voir combien en sortiront victorieux. »
Le moment est venu pour nous de nous imprégner de ces paroles d’Amma et de les mettre en pratique car chacune de nos vies constitue le champ d’activité dont elle parle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a qu’ici que vous pouvez le faire. Le champ de bataille qui met à l’épreuve notre maturité spirituelle c’est notre vie. Et accepter comme des tests les circonstances de notre vie actuelle, c’est le premier pas vers le succès dont parle Amma. Ne la faisons pas attendre trop longtemps.
Une façon de mettre cela en pratique c’est donc de tenir un journal de ce que nous apprenons chaque jour. Ce n’est pas raconter simplement : « Aujourd’hui, j’ai fait ça, j’ai fait une petite lessive, j’ai fait mon lit », pas ce genre de choses. Plutôt ce que nous avons appris, y compris ce qui ne s’est pas déroulé comme nous le voulions, les peurs que nous avons eues et qui ne se sont jamais concrétisées. Tout ce qui est en notre pouvoir, c’est de faire l’effort. Le résultat est entre les mains de Dieu. C’est ce que ce journal nous apprendra.
Je vais vous donner un exemple. Nous avons dû faire une analyse de sang à l’hôpital voisin. Les responsables de la santé voulaient voir si l’un d’entre nous était porteur du coronavirus. Avant même que nous y allions, Amma était convaincue à cent pour cent que tout irait bien. Mais disons que j’ai été paniqué pendant trois jours jusqu’à ce que les résultats arrivent. Nous avons dû attendre trois jours. Pour certaines personnes, ces trois jours pouvaient être terriblement stressants. En même temps, cette soi-disant quarantaine dans laquelle nous étions, Swami Dayamritananda Puri et moi, se déroulait dans une belle chambre sur la plage avec vue sur l’océan. Nous pouvions entendre le bruit des vagues toute la journée, nous sentions la douce brise, nous l’entendions dans les feuilles de cocotier, un coucher de soleil rouge rubis tous les jours… C’était comme le paradis ! Mais si nous avions été stressés, nous n’aurions pas pu en profiter un seul instant.
Nos attentes, nos désirs et nos craintes ne sont pas seulement des obstacles à l’abandon et à l’acceptation. Ce sont autant d’obstacles qui nous empêchent de profiter du moment présent. C’est la raison pour laquelle nous devons vraiment accepter de nous abandonner, non pas comme une faiblesse, mais comme une opportunité de libérer la force qui se cache en nous.
Voici en résumé, les trois points que j’ai voulu évoquer aujourd’hui :
- Tout soi-disant mauvais moment peut être transformé en bon moment en changeant d’orientation, en changeant d’objectif de vie. Et c’est certainement un bon moment pour la recherche spirituelle.
- Deuxièmement : la gratitude. Nous avons tant de raisons d’être reconnaissants, même maintenant.
- Troisième point : grâce au coronavirus, on nous enseigne aussi l’importance de l’autonomisation et de l’abandon.
Je voudrais conclure par un extrait du dernier message d’Amma à propos de l’épidémie. Elle a déclaré : « En cette période où le monde entier est plongé dans les ténèbres de la pandémie du Coronavirus, rassemblons-nous tous pour allumer la lampe de l’espoir, de la compassion et de l’unité. Le virus nous remplit à l’intérieur et à l’extérieur du poison de la peur et de l’anxiété. Pour le détruire, allumons notre flamme intérieure, notre lumière intérieure. Allumons la lampe de la nouvelle lumière, la lumière de la bonté, la lumière de la connaissance qui dissipe les ténèbres de l’ignorance. Éliminons ce poison avec la panacée de l’action juste et de la pensée juste au bon moment. Puissent nos actions désintéressées associées à la grâce divine protéger le monde. Alors, nous réussirons à coup sûr à sortir de ces ténèbres. »
Tout comme elle connaissait le résultat de nos analyses de sang avant leur arrivée, Amma nous assure que nous réussirons sans nul doute à sortir de ces ténèbres. Comme toujours, Amma saisit l’essence du sujet. Maintenant, il ne nous reste plus qu’à passer à la pratique. »