L’Inde a beaucoup avancé dans le cadre des OMD (objectifs du millénaire des Nations Unies pour le développement) mais très peu en ce qui concerne le droit des femmes, l’égalité des sexes et le développement durable. Bien que l’égalité entre les sexes se soit améliorée, les hommes représentent encore la majorité de la main-d’œuvre qualifiée. Par ailleurs, l’hygiène publique de base continue d’être un problème avec environ 50 % de la population qui n’a pas accès à des installations sanitaires satisfaisantes. Dans la droite ligne des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies lancés fin septembre, ces domaines requièrent des méthodes de recherche systématiques et des approches innovantes afin d’identifier des stratégies efficaces.
L’Ammachi Labs (laboratoire Amrita d’applications multimodales et d’interaction homme-ordinateur), fondé en 2009, est un centre de recherche interdisciplinaire de l’université Amrita dont l’objectif est de mettre l’innovation technologique au service du progrès social, dans les domaines de l’interaction homme-ordinateur, de l’haptique (système robotique qui crée une communication entre l’opérateur humain et un environnement virtuel), de la réalité virtuelle et des multimédias. Depuis ses débuts, Ammachi Labs a lancé plusieurs initiatives qui ont permis d’atteindre des résultats effectifs, durables et systématiques dans plusieurs des domaines concernés par les ODD, comme la pauvreté, l’éducation de qualité, l’hygiène publique et l’égalité des sexes. Nous décrivons ici brièvement la méthodologie, les résultats et les efforts à venir d’Ammachi Labs pour déployer la mission qu’il s’est donné : mettre la technologie au service du progrès social.
Le projet d’autonomisation des femmes (2012-2014)
En Inde, les femmes représentent environ 68 % de la main-d’œuvre non qualifiée. Plus de 95 % d’entre elles ont des emplois précaires et sous-payés. L’outil Amrita-cVET (enseignement et formation professionnelle assistée par ordinateur) propose un parcours complet de formation professionnelle au sein d’un système de gestion des apprentissages s’appuyant sur l’informatique et les multimédias. Cet outil comporte également un volet « aptitudes essentielles » intitulé LEE (Life Enrichment Education), c’est-à-dire « éducation pour enrichir la vie » – qui aborde les questions d’autonomisation personnelle sous plusieurs angles.
Afin que le projet LEE d’Amrita-cVET, puisse toucher même les apprenants les plus marginalisés, l’université Amrita a mis en place le projet d’autonomisation des femmes WE (Women Empowerment). En 18 mois, 28 centres de formation ont été créés dans les états du Kérala et du Tamil Nadou.
En mai 2014, au terme des 18 mois qu’a duré ce projet, 4000 femmes provenant de zones rurales avaient suivi la formation LEE d’Amrita-cVET. Le succès de ce programme dans des environnements hétérogènes valide la nature généralisable des résultats décrits ci-dessous.
– Taux d’abandon en cours de formation plus faible que celui observé dans le modèle conventionnel indien d’enseignement et de formation professionnelles (17 % au lieu de 30%) ;
– Création de 9 petites entreprises ;
– 7 commandes internationales enregistrées pour un profit brut de 16 200 euros ;
– Création de 36 coopératives en micro-entreprises impliquant plus de 450 femmes certifiées WE, afin de pratiquer et d’approfondir les savoir-faire techniques acquis lors de la formation ;
– Economies générées par les groupes d’entraide (2 160 euros) ;
– 1102 cartes d’artisans délivrées aux entrepreneuses artisanales.
En plus de ces bénéfices économiques et sociaux concrets, les femmes ayant achevé la formation ont déclaré avoir progressé en matière de confiance en soi, d’estime de soi et de compétence (cf. tableau n°1).
« Cette formation m’a donné confiance dans mes capacités à faire n’importe quoi. Les modules de la formation LEE (éducation pour enrichir la vie) m’ont aidée à développer mon aptitude à échanger avec les autres. Cela m’a préparé au travail que j’ai obtenu après la formation. Mon but premier est de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour mes enfants. Je souhaite également venir en aide à ceux qui traversent une période difficile. C’est grâce au projet d’autonomisation des femmes que je suis passée du statut de personne cherchant de l’aide à celui de personne souhaitant aider les autres. » Une participante au programme, district de Wayanad, Kérala.
Projet d’assainissement et de santé publique
Afin de remédier au manque de toilettes dans le pays et dans la perspective du gouvernement indien d’éradiquer la pratique de la défécation à ciel ouvert d’ici 2019, Ammachi Labs a lancé la campagne « WE : installations sanitaires » qui propose aux femmes vivant en zone rurale des formations en maçonnerie et en plomberie, ainsi que des modules pédagogiques en matière de bonnes pratiques d’hygiène. Cette campagne d’hygiène publique se déploie à présent partout en Inde, en zone rurale, avec pour but de remédier aux problèmes sociaux grâce à la technologie. En septembre 2015, la formation Amrita cVET-LEE « construction de toilettes » avait été offerte en milieu rural dans 10 des 18 états indiens. Le but est de toucher à terme 100 villages à travers l’Inde
Conclusion :
Le travail novateur effectué par Ammachi Labs est à la pointe en ce qui concerne l’autonomisation des femmes, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration de l’hygiène publique et dans de nombreux autres domaines qui font partie des objectifs de développement durable votés par l’Assemblée générale des Nations Unies à la fin du mois de septembre 2015. Le succès de ces programmes prouve qu’il est possible d’apporter des solutions durables aux problèmes sociaux à travers le développement des compétences, en adoptant une approche multidisciplinaire qui utilise des technologies peu coûteuses. Apprendre un métier à des personnes issues des groupes de population les plus marginalisés de l’Inde entraîne non seulement des bénéfices économiques évidents, mais a également permis d’identifier des actions peu onéreuses et efficaces pour émanciper les femmes et leur donner la possibilité de jouer un rôle déterminant dans la famille et la société. Comme nous le savons bien, une société ne peut atteindre son potentiel maximal si les droits fondamentaux des filles et des femmes sont bafoués. Ammachi Labs joue un rôle crucial dans le domaine de l’égalité des sexes en offrant aux filles et aux femmes une plate-forme leur permettant d’acquérir une formation de qualité, mais aussi de voir leurs conditions de vie s’améliorer grâce au projet actuel en lien avec l’hygiène publique. Ammachi Labs a collaboré étroitement avec les Nations Unies, notamment via le fond des Nations Unies pour la démocratie, et a tissé des partenariats avec d’autres intervenants pour résorber les inégalités entre les sexes au niveau local, régional et national.
- Dr. Bhavani Rao, directrice d’AMMACHI Labs, Amrita Vishwa Vidyapeetam
- Christopher Coley, doctorant d’AMMACHI Labs, Amrita Vishwa Vidyapeetam
- Srividya Shesadri, doctorante d’AMMACHI Labs, Amrita Vishwa Vidyapeetam
- Padmini Murthy, docteure en médecine, master en santé, membre de FAMWA (association américaine : vision et voix des femmes en médecine), professeure associée, directrice de la santé globale à la faculté de médecine de New York
- Hari Sankaran, docteur en médecine, master en sciences, formateur clinique de la faculté de médecine Baylor d’Houston (Texas)