Le 16 janvier, la cérémonie inaugurale du Groupe de Travail Civil 20 (C20) pour la présidence de l’Inde du G20 s’est déroulée à Amritapuri. Amma préside le C20 – qui a pour but de faire remonter les préoccupations des Organisations de la Société Civile (OSC) aux chefs d’État à la tête des plus importantes économies mondiales. Étant donné que L’Inde est pays d’accueil cette année, le Sommet du G20 se déroulera à New Delhi en septembre.

Discours complet d’Amma pour l’inauguration du C20 : 

« Amma s’incline devant vous tous qui êtes les incarnations de l’amour pur et du Soi suprême.

C’est un événement propice. Nous nous sommes lancés dans une mission visant à raviver la flamme vacillante du monde. C’est une année historique où la chance est donnée à l’Inde d’assumer la présidence des nations du G20, Le gouvernement indien et le Premier ministre Narendra Modi nous ont investis de l’énorme responsabilité de réussir à faciliter le déroulement du C20. Puissions-nous être capables de faire honneur à cette entreprise. Je saisis cette occasion d’exprimer ma gratitude à l’égard du gouvernement indien et de l’honorable Premier ministre.

Comme tout ce qui est sensible et insensible en ce monde, le corps humain est formé de 5 éléments : la terre, l’eau, le feu, l’air et l’espace. Ces cinq éléments viennent de la nature. C’est pour cela que l’homme et la nature ne font qu’un. Fort de cette vérité dont on peut faire l’expérience directe, les sages de l’Inde antique ont déclaré : « Le monde est une seule famille. » (vasudhaiva kuṭuṁbakam)

Il est donc pertinent que le thème de la présidence indienne du C20 soit cette phrase tirée des Upanisads : « Une seule terre, une seule famille. »

Le forum du C20 a pour missions principales de résoudre les problèmes auxquels la population est confrontée au travail, de comprendre l’opinion publique, d’étudier les problèmes rencontrés par les gens dans différents domaines et d’attirer l’attention du gouvernement indien et des nations du G20 à ce sujet et de suggérer des solutions.

Les hommes essaient sans cesse divers moyens de se faciliter la vie et d’acquérir plus de confort. Pour cela ils utilisent de nombreuses sources d’énergie. Ainsi chaque nation s’efforce constamment de développer sa puissance en tant que nation, en termes de forces armées et d’armes, dans les domaines de l’économie et aussi de la science et de la technologie. Du point de vue de la sécurité et du progrès, tout est nécessaire.

Mais, dans notre précipitation à nous renforcer dans ces domaines, nous avons oublié la force de la nature, qui est encore plus puissante. Nous avons oublié cette grande vérité que nous faisons partie de ce vaste univers. Récemment la nature nous a donnés une série de « traitements de choc » pour nous rappeler à cette vérité. Malgré cela, nous continuons à nous conduire comme si nous étions atteints de la maladie d’Alzheimer, nous sommes incapables de retenir nos leçons.

L’humanité devrait s’efforcer d’arriver au sommet de la connaissance. Effectuons tous les travaux de recherche nécessaires. Mais Amma sent que nous devrions également être prêts à chercher à connaître la force de la pensée spirituelle et d’un art de vivre basé sur les principes spirituels. Comprenons-en la nécessité d’après les indices que la nature et l’univers ne cessent de nous envoyer. Ce n’est qu’alors que nous serons à même de mettre en pratique le principe « Le monde est une seule famille. », au moins un petit peu.

Aujourd’hui notre situation est telle que, même si nous avons tout, en réalité, nous n’avons rien. Une chose est tout à fait claire : au fur et à mesure que l’homme s’éloigne de la nature, nos problèmes ne font qu’augmenter. La nature est le visage de Dieu révélé.

L’humanité pense à tort que la nature est notre serviteur obéissant et insensible, c’est pourquoi nous la traitons comme bon nous semble. Mais la vérité c’est que la nature est un corps unifié, une seule et unique entité. À l’image des parties du corps qui sont indissociables, tous les aspects de la nature, sensibles ou non, sont interconnectés. Ils sont tous des parties du corps de la nature.

Voilà pourquoi le développement n’est pas durable à moins d’être associé à la protection de l’environnement. Si nous voulons vraiment un développement durable, il ne suffit pas d’organiser des conférences et des sommets, de décerner des récompenses et d’inventer des politiques et des lois. L’humanité doit changer d’attitude. En changeant d’attitude, nous pouvons changer notre environnement.

Comment vivre sans terre, ni eau, ni feu, ni air, ni espace ? Ces cinq éléments sont la base de notre corps. La nature est donc à l’intérieur et à l’extérieur de nous. Nous vivons sur cette terre, mais nous ignorons et rejetons souvent nos frères humains et la nature ; nous ne fournissons d’efforts que pour satisfaire nos désirs égoïstes et notre avidité. En même temps, nous prions Dieu de nous donner le ciel. Quelle contradiction !

À ce stade, où près d’un quart du XXIème siècle s’est écoulé, dans quel état se trouve le monde ? Fermez les yeux et pointez du doigt n’importe quel endroit sur une carte. Ensuite ouvrez les yeux et voyez quel continent et quel pays il indique. Renseignez-vous pour savoir si l’endroit indiqué, quel qu’il soit, est en paix et sans conflit.

Y a-t-il là assez d’eau potable et de nourriture pour y apaiser la soif et la faim de tous ? Tout le monde y a-t-il un toit ? De quoi s’habiller ? Est-ce que tout le monde y a accès à des soins médicaux en temps voulu ? Les femmes et les enfants y sont-ils en sécurité ?

Bien sûr, personne n’a besoin d’Amma pour donner la réponse. La seule différence c’est que les riches pleurent dans un environnement luxueux tandis que les pauvres pleurent assis sur une chaise défoncée sous un toit qui fuit.

De nombreux acteurs et organisations de la société civile s’engagent activement dans la recherche de solutions et font un travail humanitaire. Mais ce ne sont que de petites gouttes d’eau qui tombent dans l’océan. Pourtant, même quand elles tombent dans le désert, ces petites gouttes font du bien. Si nous comprenons leur rôle et que nous en faisons bon usage, elles peuvent contribuer à apporter un peu de joie, de paix et de santé au monde.

Amma nous dit souvent de nous mettre au niveau des gens lorsque nous interagissons avec eux. Notre fondation a pris en charge 108 villages. La première fois qu’ils se sont rendus dans un de ces villages, nos bénévoles ont appris que tous les agriculteurs du village pensaient au suicide. Pourquoi ?

Ils avaient fait plusieurs mauvaises récoltes et avaient tout perdu. Ils avaient perdu l’argent emprunté pour acheter les semences et ils n’arrivaient même pas à payer les intérêts de l’emprunt. Ils ne voyaient plus qu’une seule issue : la mort. Ils avaient fait de mauvaises récoltes cinq années de suite.

Nos bénévoles ont examiné leur façon de faire. À qui achetaient-ils leurs engrais ? Ils se rendirent compte que les agriculteurs déboursaient une somme exorbitante en engrais. On les escroquait. Les bénévoles sont intervenus pour les aider à en acheter au juste prix. Ils ont parlé aux paysans des méthodes agricoles modernes. L’année suivante, ces paysans ont fait une récolte généreuse. Ils ont pu rembourser les emprunts impayés depuis cinq ans et ils ont réalisé assez de bénéfices pour en vivre pendant l’année.

Cette année-là, tous les habitants de ce village sont venus voir Amma. Un sourire éclatant illuminait leurs visages. Ils ont offert à Amma du riz de cette récolte. Nous avons pu les sortir de la misère physiquement et mentalement. Il est donc essentiel de transmettre la conscience juste. C’est la raison pour laquelle Amma dit toujours que nous devrions nous mettre au niveau des gens.

Même sans déclaration officielle de la reprise du darshan (étreinte d’Amma), les gens viennent voir Amma. L’année dernière, Amma a vu au moins 300 000 personnes, en raison des limites imposées. En temps normal, Amma voit au moins un million de personnes par an. Avec la fin de la pandémie, les enfants sont retournés à l’école et à l’université. Il y a près de 150 000 étudiants dans les établissements éducatifs d’Amma. Amma comprend bien l’impact de la pandémie sur la jeunesse.

Partout dans le monde, les étudiants ont beaucoup changé après la pandémie. Les enfants sont restés assis à l’intérieur de chez eux, rivés sur leurs écrans d’ordinateur ou sur leurs téléphones. De nombreux parents confient à Amma que cela a affecté la santé mentale de leurs enfants. Ils souffrent d’insomnie. Ils ne veulent pas aller à l’école. De nombreux parents éclatent en sanglots en en parlant à Amma. Ils sont nombreux aussi à s’être désintéressés de leurs études. Beaucoup de jeunes enfants ont appris à acheter de la drogue en ligne, à se la faire livrer chez eux et à la consommer en secret chez eux. Si bien qu’il y a maintenant beaucoup de nouveaux consommateurs de drogue et de personnes accros.

Certaines mères se plaignent que leurs enfants sont devenus accros à leurs téléphones et exigent régulièrement les derniers modèles. Environ 40 % des parents amènent leurs enfants quand ils vont voir Amma, si bien qu’Amma a vérifié en personne la réalité des préoccupations des parents, les changements chez les enfants. Amma a remarqué que leur mental est devenu extrêmement faible. Leur vie ressemble à de hautes tours de briques empilées sans ciment pour les assembler. Elles sont prêtes à tomber à la moindre brise. Il arrive qu’ils aient du talent, mais ils ont perdu leur force mentale.

De nombreux enfants se sont suicidés. D’autres, plus nombreux, ont des tendances suicidaires. Amma a vu les cicatrices de ceux qui s’étaient tailladé les poignets.

Certains professeurs de notre université ont parlé à Amma des changements de comportement survenus chez les étudiants après la pandémie. À la fin des cours, les étudiants se précipitent dehors et vont s’adosser aux arbres ou s’allonger par terre, les yeux rivés sur leur téléphone. Même quand les professeurs viennent les voir ou s’asseyent à côté d’eux, ils ne se redressent pas et ne lèvent même pas les yeux de leur téléphone. Ils ne montrent aucun respect. Les professeurs ont dit : « Cet irrespect nous inquiète beaucoup chez les étudiants. Quand nous étions étudiants, nous ne nous comportions pas du tout comme cela. »

Un autre professeur a déclaré : « Dès que les étudiants sortent de cours, ils mettent leurs écouteurs et soit ils écoutent quelque-chose, soit ils parlent au téléphone. Un jour un de leurs professeurs d’un certain âge a trébuché par accident et s’est retrouvé par terre. Il a appelé à l’aide mais aucun étudiant ne l’a entendu. Ils avaient tous leurs écouteurs sur les oreilles. »

Le lien entre enseignant et élève s’est beaucoup affaibli. À force de regarder continuellement leur téléphone, les étudiants deviennent pareils à des robots. Ils ont perdu toute compassion. Ils ont bien moins de respect qu’autrefois envers leurs aînés et de gratitude envers leurs professeurs. Ils sont incapables de comprendre la douleur d’autrui.

Si la société continue sur cette lancée, on en arrivera à ce qui se passerait si on conduisait des véhicules sans aucun respect du code de la route. Chacun écrasera l’autre et tout le monde finira par en mourir. La création subsiste grâce uniquement à la compassion. Si la compassion est perdue, tout est perdu. Nous nous coupons également de nous-même. Sous l’effet du stress, les jeunes sont nombreux à avoir recours aux drogues et à l’alcool.

La spiritualité enseigne à notre esprit de mettre chaque situation à la place qui lui revient. Ces principes sont énoncés dans la Bhagavad-Gītā et dans d’autres textes sacrés. Mais au lieu d’apprendre ces principes, les gens condamnent Dieu et les Écritures, en les taxant de superstitions aveugles. Et puis ils boivent et se droguent, quand la vie devient difficile. Toute la famille finit par sombrer dans la discorde et les conflits. En voyant la façon de vivre de leurs enfants, les parents en arrivent même à perdre le goût de la vie.

Il semble que, beaucoup plus que la guerre, nous devons craindre l’état de nos propres enfants. Toutes les nations devraient augmenter le budget consacré à renforcer la santé mentale de leurs jeunes bien plus que le budget de la défense. Enseignons-leur à gérer leur mental. Avec un diplôme d’agriculture, on peut facilement produire des récoltes. On saura à quels nuisibles et à quelles maladies il faut faire attention et on saura comment les traiter le cas échéant.

Le monde ressemble à une fleur. Si l’un des pétales est infesté, cela affectera le reste de la fleur. De la même manière, si une nation a un problème, toutes les autres nations vont en être affectées. Quand un individu est affecté, c’est toute la famille qui est affectée. À partir de là, cela se répand dans la société. À partir de la société, cela se répand dans la nation et à partir de la nation dans le monde.

Les gens disent souvent : « Oh, c’est leur problème, ce n’est pas le nôtre ! »

Ce n’est pas vrai. Les problèmes non résolus des autres deviennent souvent les nôtres. Prenons l’exemple d’un incendie qui se déclare au rez-de-chaussée d’un immeuble à dix étages. Les gens du rez-de-chaussée courent partout en criant : « Au secours, au secours ! Que quelqu’un vienne ! Aidez-nous à éteindre l’incendie ! »

Et si les gens du 10ème étage disent : « C’est votre problème, pas le nôtre ! » et ne se donnent pas la peine d’aider, qu’est-ce qui va se passer ? L’incendie va se propager dans les étages. Le problème non résolu va finir par devenir le nôtre. N’ignorons donc jamais quelqu’un qui appelle au secours en disant que c’est son problème et pas le nôtre.

Partout où nous allons dans le monde, la première question que nous posons est : « Y a-t-il internet ? Est-ce que j’aurai une connexion internet à cet endroit ? Est-ce que j’aurai la connexion internet dans cette maison ? Est-ce que j’aurai une connexion internet dans cet hôtel ?

Et si nous n’avons pas de connexion, nous nous sentons comme un poisson hors de l’eau, nous en perdons même le sommeil. En fait, la spiritualité est notre intérieur Net. Si cette connexion est forte, aucune situation extérieure ne pourra nous troubler ou nous stresser. Elle nous permettra de nous adapter aux situations tout en ressentant de la compassion. Elle nous donnera la possibilité de pardonner, d’oublier, d’endurer et de donner en retour. Nous pourrons le faire dans la joie. C’est ce que l’on appelle la spiritualité.

Une étude a été faite sur l’attitude générale de la population mondiale. Une seule question a été posée aux citoyens de chaque pays. « Est-ce que vous pouvez avoir la gentillesse de donner avec honnêteté votre avis sur les stratégies mises en place dans d’autres pays du globe pour résoudre la pénurie de nourriture ? »

Dans certains pays, les habitants ont répondu : « La nourriture, qu’est-ce que c’est ? »

Dans d’autres pays, les habitants ont répondu : « L’honnêteté, qu’est-ce que c’est ? »

Certaines personnes ignoraient même le sens du mot opinion. D’autres ont demandé : « Que veut dire le mot gentillesse ?

Certains n’avaient aucune idée de ce qu’on entendait par ‘‘ autres pays ‘’.

Ainsi va notre monde. Pour réussir quelque chose dans le monde, il faudrait que chacun soit conscient de tous les autres.

Il est impossible d’y arriver extérieurement dans le monde physique. Nous ne pouvons pas gommer la diversité du monde. Mais la diversité n’est ni un inconvénient, ni un handicap. C’est une belle opportunité. C’est l’opportunité de voir l’unité, ou la vérité dans la diversité.

Nous recevons ce que nous donnons. Dans mon enfance, ma mère m’a appris que la rivière était l’incarnation de Devi (la Déesse) et que je ne devais jamais uriner ni cracher dedans pendant ma toilette quotidienne.

Chaque fois que j’entrais dans la rivière, l’eau froide me donnait envie d’uriner, mais le souvenir des paroles de ma mère me permettait de me retenir comme on appuierait sur un interrupteur. J’arrivais à me contrôler. J’y gagnais, parce que la prochaine fois que j’allais me laver, je pouvais me baigner dans une eau pure et propre. C’est parce que l’on m’avait enseigné une valeur, celle de ne pas uriner dans la rivière, que j’arrivais à me contrôler.

Si on nous inculque des valeurs quand nous sommes jeunes, nous arriverons à contrôler nos instincts primaires, nos pensées et nos émotions négatives. Aujourd’hui, personne n’est capable de contrôler ses émotions. Les gens ressemblent de plus en plus à des fusées qui ont échappé à l’attraction terrestre et ne savent plus où elles vont. C’est pour cette raison que nous devons instiller les bonnes valeurs chez nos enfants.

Amma comprend que les soins de santé, l’égalité des genres, la science et la technologie font partie du processus du C20. De nos jours, la plupart des gens perçoivent la santé comme quelque chose qui relève uniquement du corps physique. Mais l’homme ne vit pas simplement au niveau corporel.

La santé mentale, la santé intellectuelle et la santé émotionnelle sont également importantes. Par-dessus tout, reconnaissons la force de l’esprit omniprésent (ātma-śakti) qui imprègne tout de conscience. Quand, dans sa vie, on accorde la même importance à tous ces aspects, la santé s’entend dans une parfaite globalité.

La médecine moderne et les systèmes de soins sont bien sûr importants et ont leur place. Mais les véritables soins ne se réduisent pas à aller chercher des médicaments quand on est malade. En réalité, la nature est notre amie la plus proche, parce que nous sommes nous-mêmes la nature. Pour une santé holistique, il est très important de vivre en harmonie avec la nature.

Notre université a effectué des recherches sur un sol où les gens avaient déversé beaucoup de déchets. Le sol s’est révélé très toxique. Nous y avons planté beaucoup de jeunes arbres et, au bout de trois ans, nous avons à nouveau testé le sol. Les échantillons étaient propres et sans toxines. Ce qui démontre que les racines des arbres peuvent absorber, transformer et nettoyer une grande de quantité de toxines. De plus, les arbres purifient l’atmosphère et nous donnent de l’air pur à respirer.

Nos ancêtres vénéraient les arbres comme des êtres divins. Enfant, j’ai vu des gens implorer le pardon des arbres qu’ils allaient abattre. C’était leur façon de témoigner de la gratitude pour ce qui leur avait été fourni. Même si certains peuvent taxer cette dévotion de « primitive », Amma a le sentiment que c’est du bon sens. Il faudra peut-être que nous rétropédalions un peu pour nous ré-imprégner de cette époque. Sans connexion à la nature et sans sa bénédiction, pas question de santé holistique.

Au village, il y a une soixantaine d’années, lorsque j’étais enfant, on appliquait de la bouse de vache sur les égratignures et les blessures et elles cicatrisaient. Si on en faisait autant de nos jours, la blessure s’infecterait. Donc, la bouse de vache qui avait autrefois des vertus cicatrisantes est aujourd’hui devenue un poison. Pourquoi ? Parce qu’autrefois on donnait du fourrage naturel aux vaches. Et on ne traitait jamais les rizières avec des produits chimiques.

Mais de nos jours on répand des pesticides pleins de poisons sur toutes les cultures. Les vaches en mangent. Le fourrage du bétail contient des produits chimiques et de la poudre d’os. Le lait n’est plus de la même qualité. Peut-être qu’il nous rassasie, mais notre immunité en prend un coup. Cela sert peut-être à produire plus de lait, mais de nombreuses maladies apparaissent aussi.

Quand la science recommande de répandre 5 % de pesticides et de produits chimiques sur les cultures, beaucoup d’agriculteurs en répandent 25 % pour augmenter leurs bénéfices. Cela nous pollue le corps et le mental. Amma ne veut pas dire de stopper complètement l’utilisation de ces produits mais des règlements plus stricts sont nécessaires.

En ce qui concerne l’égalité des genres, de nombreuses nations continuent à considérer les femmes comme inférieures. La science et la technologie se sont développées et le monde a fait d’énormes progrès. L’humanité atteint un degré de plus en plus élevé de sophistication. Malgré cela, quelque part en profondeur, il reste beaucoup de réticences et un gros blocage mental qui empêche de reconnaître l’égalité des femmes. Tous pays confondus, une adolescente de 15 à 19 ans sur quatre n’a pas accès à l’éducation ni à l’emploi. Concernant les garçons, les statistiques font état d’un sur 10.

Autre sujet important : permettre aux enfants et aux femmes des minorités de devenir autonomes. Considérons que c’est un une entreprise sacrée de les prendre par la main et de les aider à échapper à la précarité. Ne laissons pas inutilisés leurs talents cachés qui ne bénéficient ni à eux ni à leurs sociétés.

Depuis plusieurs années maintenant, notre fondation soutient des villages dans 25 États de l’Inde. Au début, Amma avait demandé de prendre en charge 108 villages. À l’époque, nous nous sommes rendus dans les villages et avons fait monter les femmes en compétences. Dans les villages, certains hommes disaient : « Nous ne voulons pas envoyer nos femmes au travail pour obtenir de quoi vivre. Si elles se mettent à travailler, elles deviendront orgueilleuses. Elles ne nous obéiront plus. »

C’est ce que pensent beaucoup d’hommes. On les a conditionnés depuis leur enfance à penser ainsi, alors Amma ne les condamne pas.

Donc nous avons enseigné aux femmes des savoir-faire qu’elles pouvaient mettre en œuvre chez elles à domicile. Elles ont commencé à travailler et à gagner de l’argent grâce à la formation qu’elles avaient reçue. Mais à certains endroits, les hommes étaient trop rigides. Nous avons tiré des leçons de milliers d’incidents de ce genre. Quand les femmes sont réprimées, le monde perd la contribution productive de 50 % de sa population.

Au fur et à mesure que les femmes se lèvent et vont de l’avant, les hommes devraient leur faire de la place, et même leur préparer le chemin. Il faut que les hommes cessent d’être des rues à sens unique, qu’ils essaient plutôt de devenir de larges autoroutes. Au lieu de renforcer leur puissance musculaire comme le font les hommes, les femmes devraient essayer de se muscler le cœur.

C’est ce qu’Amma entend quand elle emploie le mot courage. Elles doivent être prêtes à accepter ce qui vient et à aller de l’avant, sans perdre leur confiance en elles. Créons les circonstances pour qu’elles réussissent. Sinon ce sera une grande perte pour la société.

Amma a rencontré des millions de gens. Même parmi les filles qui font leurs études dans notre université, certains parents font pression sur elles pour qu’elles se marient avant la licence. Très peu d’étudiantes ont le droit de faire un doctorat. Leurs parents les retirent de l’université en disant que le temps qu’elles finissent leur doctorat, elles auront passé l’âge du mariage en Inde et qu’elles auront du mal à trouver un mari. Les étudiantes viennent dire à Amma : « Amma, je veux continuer mon doctorat, mais mes parents me demandent de chercher un travail. »

Alors Amma a mis en place un système de bourses pour les étudiants, grâce auquel ils reçoivent autant d’argent que s’ils avaient un travail rémunéré. Les étudiantes étaient douées, alors Amma a donné 100 bourses de doctorantes pour encourager les filles à faire un doctorat. Beaucoup de ces filles sont maintenant doctorantes ; elles ont bien perfectionné leurs talents et ont publié des articles dans des revues prestigieuses. Beaucoup d’entre elles ont fini leur doctorat et sont mariées aussi.

En Inde, si nous vivons dans la crainte que nos filles ne puissent pas se marier, est-ce que quoi que ce soit pourra être accompli ? Si nous créons les bonnes circonstances, elles pourront à coup sûr faire éclore leurs talents et les mettre au service de la société.

Une chose est claire : si nous voulons trouver une solution durable aux atrocités auxquelles est et sera confrontée l’humanité, soyons prêts à changer notre climat intérieur. Ce qui se passe dans l’environnement extérieur – que ce soit le réchauffement global ou le changement climatique – n’est que le reflet du climat inhospitalier de nos esprits.

De nos jours, les gens consacrent la plupart de leur temps et de leur énergie à étiqueter tout ce qu’ils voient à leur nom et à leur adresse : qu’il s’agisse de la terre, de la nature ou de Dieu. Nous essayons de revendiquer et d’établir notre autorité sur tout, avec le souci du « moi » et du « mien ». Si ce comportement s’accentue, nous deviendrons notre pire ennemi.

Amma se rappelle une histoire à ce sujet : Un jour, un chien eut très envie de faire le tour du monde. Il se mit en route. Après plusieurs jours de voyage, il revint finalement à la maison. Ses amis chiens vinrent le voir pour lui demander des nouvelles de son voyage. Ils lui posèrent des questions : « Comment s’est passé le voyage ? Tu as eu des ennuis en chemin ? »

Le chien voyageur répondit : « Je n’ai rencontré aucun problème de la part des autres. Tout le monde m’a laissé continuer mon chemin. Je n’ai été ennuyé que par les créatures de mon espèce, les autres chiens. Où que j’aille, ils me fonçaient dessus, en aboyant et en me mordant. Ils me poursuivaient sans merci et ne me laissaient jamais en paix. »

L’humanité est dans le même état que ce chien. Partout en ce monde les gens sont leurs pires ennemis. Pour être plus précis, l’esprit de l’homme est son pire ennemi, ainsi que son ami. Mais puisque nos pensées et nos actions prennent leur source dans notre esprit, si nous voulons sincèrement le corriger, il faudrait inscrire les valeurs spirituelles au programme de nos établissements éducatifs.

À Amritapuri, il y a environ 200 enfants venus des quatre coins du monde. Certains passent là quelques mois par an. Ils suivent des cours sur la Bhagavad-Gītā et les Écritures. Quand ils écoutent les enseignements spirituels, ils arrivent à partager leurs jouets avec les autres enfants, alors qu’auparavant ils se mettaient en colère si un autre enfant ne faisait que toucher à leurs jouets.

Pour l’anniversaire d’un ami, ils donnent même ces jouets en cadeau. Dans leurs conversations, ils racontent qu’ils ont donné un de leurs jouets préférés à un autre enfant pour son anniversaire et qu’ils se sont sentis plus heureux de donner que de recevoir des jouets.

En ayant écouté des enseignements spirituels, ces enfants ont ressenti plus de joie à partager qu’à recevoir quelque chose. Ce qui veut dire que lorsque les enseignements sont bien assimilés, ils nous ouvrent le cœur et nous rendent plus conscients.

Le mot sanskrit saṁskāra signifie « culture » ou « ce qui s’est raffiné avec le temps ». Dans un laboratoire, une « culture » fait référence à un petit spécimen de bactérie par exemple que l’on place dans un environnement favorable à sa croissance en vue d’un diagnostic. Cela sert à identifier la maladie et à donner un traitement approprié.

De la même manière, quand on a instillé un peu de la culture spirituelle à ces enfants, et qu’ils ont grandi dans une atmosphère propice, cette culture s’est épanouie de la même manière chez tous. Les enfants ont également commencé à mettre ce qu’ils avaient appris en pratique. Même les petits savent faire la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal.

Certains utilisent leur discernement et pensent : « Oh, ce jouet, est-ce un désir ou un besoin ? Non je n’en ai pas besoin. Je préférerais donner l’argent à un enfant pauvre. »

Ils peuvent le faire dès la plus tendre enfance. Avant même d’apprendre l’alphabet, ils ont commencé à pratiquer la charité. En voyant cela, Amma croit qu’il est possible d’instiller les valeurs de la charité et de l’action juste chez les jeunes enfants.

Il y a tant d’amour et de fraternité entre eux. Quand l’un d’eux est malade, ils vont tous le voir et lui demandent de ses nouvelles. Amma croit qu’il est tout à fait possible d’opérer ce genre de changements positifs si on forme les enfants dès leur plus jeune âge.

Si nous nous concentrons sur la satisfaction de nos besoins plus que de nos désirs, nous pouvons faire un paradis sur terre. Pensez à un beau jardin fleuri. Il y a beaucoup d’enfants dans ce jardin, ils courent, rient et jouent gaiement. Des papillons volettent parmi les fleurs, heureux de boire le nectar. Amma souhaite que le monde soit à l’image de ce jardin paisible. Pour Amma, les papillons qui volettent, ce sont en fait tous les humains, partout dans le monde, qui vivent dans la joie.

Tout le monde aurait la part qui lui revient. Les gens n’ont pas à donner tous leurs biens pour atteindre cet objectif ; il suffit qu’ils donnent une petite partie de ce qu’ils ont. En agissant de la sorte, nous ne deviendrons pas des îles isolées, séparées du monde. Nous deviendrons des maillons de la chaîne de la vie.

Pour que l’individu, la famille et la société prospèrent et progressent, il faut développer une culture adéquate. C’est dans notre esprit qu’il faut cultiver un environnement propice à cette ambition. C’est dans nos foyers et nos établissements éducatifs qu’il faut créer les conditions favorables pour atteindre cet objectif.

Amma aimerait suggérer quelques éléments que je crois particulièrement importants et pertinents à notre époque :

  1. Depuis la maternelle jusqu’en Terminale et aussi dans l’enseignement supérieur, il faudrait créer un cours sur la compassion et l’altruisme. Il faudrait introduire un livre obligatoire qui parle de tous les aspects de la noblesse de l’altruisme et de la compassion.
  2. Chaque enfant devrait planter un arbre pour son anniversaire et apprendre à en prendre soin avec amour et compassion. On devrait encourager les enfants à fabriquer des boules de papiers contenant une centaine de graines et un peu de fumier et à les lancer dans les bois. Dans les bois, pas besoin d’arrosage ni d’engrais pour faire pousser les graines. Les feuilles mortes suffisent à enrichir le sol et à nourrir les plantes. Si ne serait-ce qu’une seule de ces graines germait et poussait, nous pourrions régénérer un petit coin de la nature. Ce serait bien que tout le monde s’engage à le faire.
  3. Il faudrait lancer des projets pour adopter des villages avec le soutien d’entreprises et de multinationales. Il faudrait y implanter des écoles, des universités, des hôpitaux et de petites industries.
  4. Dès l’enfance, on devrait apprendre aux garçons à traiter les femmes et les enfants avec respect. Apprendre aux enfants à vénérer l’amour. Dès la maternelle, faire comprendre aux enfants que de même que Dieu est amour, l’amour est Dieu. On devrait emmener les étudiants dans un village pauvre avant la fin de leurs études. En passant quelques jours dans ce genre de village, les étudiants seront confrontés aux problèmes quotidiens rencontrés par les gens ordinaires, et forts de cette expérience, ils pourront concevoir en cours des projets pour leur venir en aide. Avant d’entrer dans le dur monde de l’égoïsme et de la compétition, cette expérience leur sèmera quelques graines de compassion et d’altruisme dans le cœur. Cela leur apprendra à s’incliner humblement devant la puissance infinie de la nature. Les soins prodigués par la nature sont bien supérieurs et vont bien au-delà de ce que peuvent nous donner nos pères et mères biologiques. Exprimons notre gratitude pour ce don merveilleux.
  5. Les leaders de toutes les religions devraient enseigner à leurs adeptes d’être inclusifs et de ne jamais exclure qui que ce soit au nom de la religion.
  6. Cela devrait devenir obligatoire pour tous les établissements éducatifs d’entraîner tous leurs élèves, du plus grand au plus jeune, à utiliser la technologie avec discernement et de leur permettre de faire des exercices pratiques dans ce domaine.
  7. Toutes les écoles et toutes les universités devraient avoir des services de conseil. De nombreux élèves souffrent de dépression depuis le début de la pandémie de Covid. J’en ai vu beaucoup qui s’en sont sortis sans traitement, parce qu’ils ont reçu les bons conseils au bon moment. Ceux qui n’ont pas choisi de se faire suivre ont dû avoir recours à des médicaments. Nous devons faire attention aux problèmes de santé mentale de nos jeunes et ce genre de service sera d’une grande aide.

 

Avançons tous, d’un même cœur, vers le même but, pour travailler de façon désintéressée au bien-être du monde. Puissent nos actions devenir un noble idéal pour ceux qui viendront après nous. Puisse l’arbre de notre vie s’enraciner profondément dans le terreau de l’amour. Puissent nos bonnes actions en être les feuilles. Puissent nos bonnes paroles en être les fleurs. Puisse la paix en être les fruits. Puisse ce monde croître et prospérer comme une seule et même famille unie dans l’amour. Puisse la philosophie « le monde est une seule famille » s’éveiller, s’appliquer et porter ses fruits en chacun. Puissions-nous réaliser un monde de paix et d’harmonie éternelle. Puisse la grâce divine nous bénir tous. »