Article paru dans www.theWire.in le 6 juillet 2017

L’agriculture bio a doublé les rendements et augmenté les marges de profits des agriculteurs tribaux, les aidant à rembourser leurs dettes.

« Nous avons pris le risque d’essayer quelque chose de différent, a dit Rajan, un agriculteur d’un petit village tribal du Tamil Nadu et le résultat, c’est que nous avons vendu cette nouvelle récolte deux fois plus cher que n’importe quelle autre récolte auparavant. Et en plus les graines que nous avons semées nous ont donné un rendement deux fois supérieur au précédent. »

Tout ça, après cinq années de mauvaises récoltes dues à un manque de pluie freinant la croissance des plantes et au ravage des champs par des sangliers et des éléphants sauvages.

La plupart des agriculteurs ont alors été obligés de se louer à la journée dans la forêt alentour, afin de pouvoir gagner juste de quoi nourrir leurs familles. Beaucoup étaient très endettés. Mais un tournant a été pris fin 2016, quand la majorité des familles dans le besoin a décidé de se regrouper pour cultiver la terre ensemble.

C’est au village de Sadivagal, dans le district de Coimbatore, que vivent les Irulas, une tribu répertoriée d’environ 25 000 personnes habitant au Tamil Nadu et au Kérala.

Sans système d’irrigation, les villageois dépendent principalement de la mousson pour leurs récoltes. Ils ne font donc qu’une seule récolte de riz par an.

En décidant de se regrouper pour cultiver du riz bio, les agriculteurs firent ce qui n’avait pas été fait dans leur village depuis des décennies.

« Honnêtement, nous ne connaissions rien à l’agriculture bio, a déclaré Rangaswami, un autre agriculteur local, nous n’avions aucune idée de comment ça marchait et nous ne savions rien des effets néfastes des pesticides et des engrais chimiques sur le sol. Nous avions besoin que quelqu’un nous en parle. »

Alors, comment ont-ils fait pour réussir ?

La première étape n’avait rien à voir avec les pratiques agricoles, mais était plutôt liée à la façon dont ces agriculteurs se sont regroupés afin de se sortir mutuellement d’une misère totale.

Les agriculteurs de Sadiyayal se sont joints à Amrita-SeRVe, un programme d’ETW  pour l’autonomisation des villages. L’un des objectifs de ce programme est l’autonomisation, à petits pas, des agriculteurs indiens. L’idée est de mêler techniques agricoles traditionnelles et nouvelles technologies écologiques.

« Des membres d’Amrita SeRVe et de l’université Amrita sont venus au village et ont organisé une rencontre pour nous dire comment procéder en agriculture bio, a expliqué Rangaswami. Ils nous ont d’abord suggéré de former un collectif d’agriculteurs, pour collecter des fonds auprès de chacun des membres, afin de pouvoir ouvrir un compte en banque avec 120 euros. Après cela, l’idée était que chacun donne 27 euros pour lancer le projet de ferme bio. »

D’après K.R. Sreeni, pilote du programme, une des particularités du travail d’Amrita SeRVe dans le village de Sadivayal était l’utilisation de la méthode de la convergence, afin d’aider les fermiers à avoir accès aux aides gouvernementales et autres mécanismes de soutien.

Pour commencer, le 9 mai 2016, la décision a été prise au niveau du village de sélectionner 20 des familles les plus démunies, afin de les faire participer au projet d’agriculture collective et le collectif des agriculteurs a ouvert un compte en banque.

Puis, les fermiers ont défini leurs responsabilités et formulé des lignes directrices pour leur organisation interne. Ils ont ensuite commencé à sélectionner les semences, analyser le sol, planifier la rotation des cultures, établir un budget eau et définir des mesures pour économiser et collecter l’eau. Les fermiers ont ensuite commencé le travail agricole aux champs, le 20 juin 2016.

Des équipes ont été formées et les tâches distribuées : défrichage, aménagement et tracé des parcelles. Ils ont également construit un canal d’irrigation et clôturé la zone de culture.

Dans les rizières, les fermiers ont utilisé de la bouse et de l’urine de vache. En conséquence, ils ont cessé d’avoir les habituels problèmes de peau (démangeaisons et brûlures) dus aux produits chimiques utilisés auparavant.

Entre temps, l’université agricole du Tamil Nadu leur a fourni 90 kg de semences et le département des sciences et de la technologie de l’État, 500 kg. Les agriculteurs ont préparé un champ de 14 hectares et semé la variété Bhavani.

« Cette variété de riz produit plus de foin que d’autres, ce qui s’est avéré être un vrai plus parce que nous avons pu le vendre comme fourrage. Il y a une vraie demande pour cette variété de foin et un demi hectare peut se négocier environ 400 euros », a dit Sreeni.

« Au début, nous n’étions pas très sûrs de nous. Nous étions plus qu’un peu stressés », a dit Kaliswami, un autre membre du collectif. « Mais dès que nous avons vu sortir de terre les premières pousses, nous avons su que la réussite était au bout du chemin. »

Après 110 jours de fertilisation bio et 140 jours de soins constants et de désherbage manuel, les agriculteurs du village ont pu débuter une récolte saine.

« Les agriculteurs ont découvert qu’en dépit du prix plus élevé des semences bio, leurs marges de profit avaient en fait augmenté. Premièrement, pas besoin d’acheter de pesticides ni d’engrais et deuxièmement cette variété se vend bien plus cher que les précédentes. La dernière en date s’était vendue entre 12 et 18 centimes le kilo tandis que la variété Bhavani peut se vendre jusqu’à 38 centimes le kilo. En plus, le rendement a doublé », a expliqué Sreeni.

Une fois toutes les charges payées, chaque agriculteur a réalisé un bénéfice d’environ 650 euros par demi hectare.

« Ce genre de profit était incroyable pour nous. Les années précédentes, même après la récolte, nous étions nombreux à devoir malgré tout de l’argent pour le remboursement de nos emprunts. Par exemple, un des agriculteurs devait 270 euros à cause de la mauvaise récolte de l’année passée, mais grâce aux bons résultats de cette année, il a été en mesure de tout rembourser. Maintenant, il peut aller de l’avant et recommencer à faire du bénéfice », a déclaré Rangaswami, avec un sourire de satisfaction.

« Nous sommes décidés à continuer de cultiver en bio », a dit Kaliswami. Ce ne sera pas facile. Nous savons qu’il y a des défis à relever. La terre a vraiment besoin d’être régénérée après des décennies d’utilisation de produits chimiques et cela va prendre une paire d’années. Mais nous devons poursuivre ces pratiques pour guérir le sol. »

Pour Amrita SeRVe, il s’agissait d’un projet pilote. Prochaine étape : la création de collectifs d’agriculteurs dans tous les villages du projet répartis dans 21 États.