Le centre Amrita pour réseaux et applications sans fils (AmritaWNA) a fourni de l’électricité solaire grâce à un micro-réseau à la totalité du village rural de Valaramkunnu, près de Modekkara, dans le Wayanad ; ce modèle sera rapidement déployé dans tous les villages en cours de transformation, dans le cadre du projet  de réhabilitation des villages Amrita. Amrita Sphuranam s’est développé au sein du programme ‘Live-in-Labs’ de l’université Amrita.

La présidente honoraire de l’université Amrita, Mata Amritanandamayi Devi (Amma), a été à l’initiative du programme Live-in-Labs destiné à encourager les jeunes à utiliser leur idéal, leur intelligence et leur énergie pour améliorer l’état de la société. Selon les instructions d’Amma, AmritaWNA a intégré le programme ‘Live-in-Labs’ dans le cursus universitaire et les étudiants consacrent 2 heures par semaine à des projets qui visent à transformer la société. Les étudiants doivent également faire des incursions plus ou moins longues en milieu rural, loin de leur université. Lors de leur séjour dans les villages, ils étudient les problèmes des habitants et trouvent des solutions pratiques et abordables.

Des étudiants, des chercheurs et des professeurs de AmritaWNA se sont rendus à Valaramkunnu, un village tribal, pour voir ce qui pourrait être fait pour améliorer la vie de la communauté. Situé au cœur d’une forêt naturelle, le village est à cheval sur deux petites montagnes. On ne peut accéder au bas du village qu’en jeep, tant les routes sont étroites, cahoteuses, défoncées, boueuses et glissantes par temps de pluie. Il faut parcourir les dernières centaines de mètres à pied. Les villageois ont de petites maisons toutes simples. La plupart d’entre eux travaillent à la journée dans les champs et rares sont ceux qui ont été plus d’un an ou deux à l’école. Bien que pauvres, ils ont un grand sens de l’hospitalité, et sont d’une nature douce et ouverte. La brume descend le matin et le soir sur des paysages d’une beauté spectaculaire, au cœur de la munificence de la jungle. Les villageois connaissaient déjà les projets caritatifs d’Amma et beaucoup avaient bénéficié des campagnes de soins organisées dans la région. Au départ, ils se sont montrés quelque peu réticents mais ils se sont peu à peu ouverts aux étudiants et ont communiqué les informations nécessaires.

Les étudiants sont rentrés à l’université avec une liste de dix problèmes – dont le manque d’électricité, le manque d’accès à l’eau potable, une alimentation inadéquate, des habitations précaires et le manque de terrain. Le manque d’éducation expose aussi les villageois à l’exploitation. Les étudiants ont établi des priorités et trouvé que le problème le plus urgent était le manque d’électricité, dont la solution conditionnerait la possibilité de résoudre les autres. Seules quelques maisons avaient l’électricité mais l’installation était si mauvaise que les résidents risquaient de se faire électrocuter. De plus, leur pauvreté ne leur permettait pas de payer leurs factures d’électricité. C’est ce qui poussa les étudiants à choisir l’électrification en milieu rural comme projet ‘Live in Lab’ de transformation du village.

Les étudiants pensaient que l’électrification du village permettrait de gérer mieux, plus vite et plus efficacement les autres besoins : éducation, santé, développement des infrastructures. Comme la présence d’arbres empêchait d’utiliser l’énergie éolienne et qu’il n’y avait de l’eau que quelques mois par an, les sources d’énergie alternatives étaient limitées. Par contre on pouvait installer des panneaux solaires à certains endroits. Un petit réseau d’électricité solaire s’est donc clairement imposé. Les 42 maisons étant regroupées en 6 hameaux à cheval sur les deux petites montagnes, l’équipe de AmritaWNA décida donc de procéder à l’électrification hameau par hameau. Chaque unité de production d’énergie solaire fournirait de l’électricité à un hameau de six à dix maisons.

Une fois le projet d’électrification solaire présenté à l’université, celle-ci a demandé une proposition détaillée et budgétisée du projet. La visite suivante a permis de travailler sur la délimitation des hameaux et le choix de l’équipement solaire : le type d’onduleurs, de panneaux solaires et de batteries, la longueur des câbles nécessaires à l’intérieur des maisons et pour relier les maisons entre elles. On a cherché des espaces ensoleillés proches des habitations et demandé aux propriétaires la permission d’installer des panneaux sur leur terrain.

Les étudiants ont travaillé tous ensemble sur ce projet et ont eu l’idée de soumettre leur proposition au gouvernement pour obtenir des subventions. Avant de l’envoyer, ils sont allés en groupe présenter leur plan et leur budget à Amma – qui leur a dit de commencer sans délai et d’utiliser l’argent de l’ashram et de l’université pour mener à bien le projet le plus tôt possible. Amma était très heureuse de l’enthousiasme du groupe et de sa motivation à se mettre au service du village. Dans la conversation, Amma a répété qu’il fallait que ce soit les étudiants qui fassent le travail et qui amènent l’électricité au village. Ceux-ci ont accepté avec joie de réaliser le vœu d’Amma.

Amrita Sphuranam a commencé bien avant l’émergence de l’idée du déploiement du solaire dans un village isolé. Tout a démarré il y a quatre ans quand Amma a donné des instructions au Dr. Maneesha Sudheer, directrice de AmritaWNA. Mme Sudheer venait d’expliquer à Amma qu’elle avait vu un laboratoire qui travaillait sur les réseaux intelligents dans une université renommée des USA. Amma lui avait répondu que l’Inde gaspillait énormément d’électricité et qu’il fallait concevoir un système qui réduise le gaspillage énergétique et que l’on puisse installer dans des zones rurales privées d’électricité. Amma lui avait alors demandé de démarrer un projet de recherche en ce sens à Amrita.

Un étudiant de dernière année en réseaux et applications sans fil a entrepris de développer un prototype de réseau électrique intelligent capable d’exercer un contrôle en temps réel, de détecter les lignes défectueuses et les branchements illicites, etc. Ensuite un petit groupe a poursuivi les recherches avec cet étudiant pour résoudre les problèmes d’intégration des énergies renouvelables, d’utilisation optimale de l’énergie, de gestion du calendrier pour l’énergie dynamique, des branchements illicites, de la piètre détection des failles, de la facturation manuelle, des systèmes adaptés à l’environnement pour des constructions durables, etc. Sachant que le réseau électrique indien n’alimentait pas tout le territoire, l’équipe a compris que la meilleure solution c’était l’électrification en milieu rural et les énergies renouvelables. Les efforts se sont ensuite concentrés sur l’énergie renouvelable et les micro réseaux durables pour l’Inde. L’équipe a alors reçu le feu vert pour aller de l’avant et mettre en pratique la théorie afin d’alimenter un village de 300 habitants en électricité grâce à un micro réseau solaire.

Les étudiants et les professeurs de AmritaWNA ont ensuite commencé à chercher les compagnies fournissant les panneaux solaires, les onduleurs, les batteries, etc., nécessaires pour le projet. Certains éléments du projet n’étant pas disponibles sur le marché, le groupe a conçu la structure pour soutenir les panneaux solaires et démarré la fabrication dans un atelier Amrita. Pour faire avancer le projet aussi vite que possible, un troisième groupe d’étudiants, de chercheurs et d’universitaires d’AmritaWNA sont retournés au village pour commencer le recâblage entre les maisons.

Les gens du groupe étaient logés dans l’école Amrita Vidyalayam de Manathawadyam et devaient faire 15km tous les matins pour se rendre au village. Ils ont eu du mal à se nourrir, à se fournir en eau potable. Il y avait aussi la crainte des sangsues et des animaux sauvages. Mais rien n’a assombri leur enthousiasme. Ils montaient et descendaient la pente pour aller de maison en maison et récupérer les paniers repas livrés au pied de la montagne.

Tandis que le projet avançait, beaucoup d’étudiants ont pris l’initiative d’aller chez les villageois, de discuter avec eux et de jouer avec les enfants. Ils ont appris à bien connaître les gens et leurs difficultés. Ils ont déclaré : « Nous avons peu à peu compris que pour promouvoir un village il fallait bien plus qu’une simple connexion électrique. La culture locale de ces gens devait être préservée. Leur innocence, leur générosité et leur proximité avec la nature ne doivent pas souffrir du câblage des maisons les reliant au monde moderne. Cependant l’électricité éclairera la maison et permettra aux enfants d’étudier le soir et plus tard de charger les tablettes éducatives. Nous voulons continuer à les aider et utiliser nos techniques pour améliorer leurs conditions de vie. Nous avons aussi remarqué que nous pouvions apprendre des choses à leur contact. Ils ne prennent dans la nature que ce dont ils ont besoin. Ils vivent dans le présent et partagent généreusement le peu qu’ils ont. »

Lorsque les panneaux solaires furent chargés pour être emportés à Valaramkunnu, les deux premières structures étaient prêtes à les recevoir. Mais le camion n’arrivait pas à grimper la piste abrupte, rendue encore plus délicate par les pluies transformant l’argile rouge en une boue instable et glissante. Après quelques tentatives infructueuses, des étudiants et des professeurs sont allés pousser le camion. Ayant encore essayé à plusieurs reprises, le conducteur se préparait à renoncer, quand tout à coup quelqu’un amena une corde très solide que l’on attacha à l’avant du camion. Une vingtaine de personnes tirèrent et poussèrent le camion. Lentement le camion grimpa la pente abrupte, en s’arrêtant ici ou là, et même en reculant quelquefois. Glissant et dérapant, les étudiants et les professeurs de WNA, tirèrent le camion aussi haut que possible, c’est à dire à un tiers seulement du haut de la côte. Ils finirent par s’avouer vaincus par la montagne. Malgré tous leurs efforts, le camion ne pouvait plus avancer. Mais le groupe était déterminé et commença alors le long processus de déchargement du matériel. Tout fut transporté à la main jusqu’au bout. Chacun faisait ce qu’il pouvait avec enthousiasme. On amena de l’eau et de quoi manger au sommet de la montagne pour se donner des forces.

Il fallait apporter quatre structures au sommet de la première montagne et deux sur l’autre. Il a fallu transporter là haut à la main les batteries de 45 kg ainsi que les tiges de fer et les lourdes structures métalliques pour les panneaux. Il a fallu monter en tout deux tonnes de matériel ! La plupart du temps, quand les étudiants faisaient 5 pas en avant, ils redescendaient en glissant sur deux ou trois pas ; cependant ni la boue ni la pluie ni l’épuisement physique n’arrivèrent à bout de leur enthousiasme. En voyant cela, les habitants se joignirent à eux et le gigantesque travail se transforma en une joyeuse fête avec ce regain d’ardeur. L’un des étudiants témoigne : « J’ai ressenti une immense satisfaction, je m’étais vraiment donné à fond et nous avions atteint notre but. »

Lorsque les deux premiers hameaux furent prêts à le recevoir, le reste du matériel arriva. Le premier groupe partit, et un autre vint le remplacer qui dut lui aussi transporter le matériel dans des conditions difficiles. La veille du jour de leur départ pour le lancement du projet dans le cadre de AmritaVarsham61, étudiants et professeurs décidèrent d’arriver à 5h du matin pour tester l’éclairage. Les villageois furent horrifiés de les voir arriver de si bonne heure et déclarèrent que seule la grâce les avait protégés des animaux sauvages. C’est en effet l’heure où les animaux sont dehors et les villageois évitent de sortir de chez eux avant 7 ou 8 h du matin.

Maintenant 6 groupes fonctionnent et 42 foyers ont l’électricité. Chaque maison est équipée de trois lampes et d’une prise. La lumière s’est allumée dans les maisons pendant Amritavarsham61, la célébration du 61e anniversaire d’Amma, au moment où M.Oommen Chandy, Premier ministre du Kérala, inaugurait Amrita Sphuranam, le projet d’électrification solaire. Le projet se poursuit, les étudiants continuent à intègrer les 6 groupes afin de développer un micro réseau électrique capable d’échanger de l’énergie en utilisant des modèles dynamiques et innovants de tarification. Cela aboutira finalement à un micro réseau qui pourrait même être une source de revenus pour les habitants. En phase finale, l’université Amrita pourra même gérer le système et le contrôler à distance.

L’équipe de recherche AmritaWNA d’Amrita se penche aussi sur la conception d’un système de contrôle qui puisse analyser les chiffres de génération et de consommation sur le terrain. ETW a maintenant l’intention de développer des installations similaires dans tous les villages actuellement transformés par le projet de réhabilitation Amrita SeRVe. L’équipe avait découvert que l’on avait, quelques années auparavant, installé des équipements solaires dans ce villagemais que les défaillances techniques du système, le manque de personnel local qualifié pour la maintenance et l’absence de soutien des installateurs d’origine avaient amené les habitants à revendre le système à des personnes mieux informées.

Ayant tiré la leçon de cette expérience, le groupe a adopté une approche différente et sur le long terme. Ils se sont donné comme priorité de former quelques habitants. Deux dévots de la région en qui les habitants ont confiance et qui font partie de l’antenne locale de réhabilitation AmritaSerVe, restent en permanence en lien avec les villageois et tiennent l’équipe au courant.

L’ingénieur en électricité, Fabien Robert, membre de l’équipe de recherche AmritaWNA a déclaré : « En travaillant sur ce projet d’électrification, j’ai découvert la beauté d’un coin de nature pure et vierge de toute trace humaine. En entrant en relation avec la population tribale de ce village, j’ai compris à quel point le manque de commodités de base peut lourdement handicaper les gens. J’ai été touché par leur innocence, la simplicité de leur mode de vie et la joie des enfants jouant autour de nous. Je suis heureux d’avoir pu participer à ce projet et je remercie Amma et toutes les personnes qui y ont consacré du temps, de l’argent et de l’énergie. Elles nous ont donné la chance d’amener l’électricité dans les maisons de ces villages éloignés – ce qui a illuminé nos cœurs. »

M. Ullas Ramanadhan, l’un des plus importants directeurs de recherche et le coordinateur de ce projet d’électrification en milieu rural, a déclaré : « Avant qu’Amma nous demande de travailler sur ce projet d’électrification, je n’avais jamais vu ce genre de villages. Toute ma vie, j’ai vécu en ville. Quand j’ai eu la chance d’approcher les enfants de ce village, j’ai vu dans quel état ils étaient et j’ai senti qu’Amma m’accordait une bénédiction en me faisant travailler à un tel projet. Je remercie Amma de m’avoir permis d’y participer. »

M. Vijo, en master de technicien des réseaux sans fil et applications, a dit : « J’ai toujours vécu confortablement en ville et cela m’a ouvert les yeux de venir ici pour aider les tribaux. Ce projet nous a permis de comprendre que ce que nous apprenons dans la vie nous donne la responsabilité de servir les autres. Ce devoir est en partie accompli aujourd’hui. Merci Amma. »

M. Sooraj, lui aussi en master de technicien des réseaux sans fil et applications a commenté : « Nous nous considérons comme très privilégiés de participer au programme ‘Living Labs’ qui est le fruit de la vision d’Amma. Ce projet nous met en contact avec des gens des tribus victimes de la pauvreté et qui ont besoin d’aide. En venant dans ce village reculé du Wayanad et en interagissant avec la population, nous avons vu ce qui rend leur vie si difficile. Même si nous avons beaucoup transpiré dans cet environnement hostile, nous considérons que cela a été pour nous un privilège d’apporter la lumière à ces personnes déshéritées en installant les panneaux solaires. »

Le Dr. Maneesha Sudheer, Directrice de WNA, résume sa vision du projet Live-in-Labs : « Avec ce projet, Amma transforme toute la société. Elle génère une nouvelle sorte de jeunes désireux d’aider les villages de l’Inde en partageant leurs connaissances techniques. Auparavant ces jeunes ignoraient tout de la vie en milieu rural. Ils ont toujours eu la vie facile. La première des transformations se produit chez les jeunes qui sont l’avenir de l’Inde, quand ils voient à quoi cela ressemble vraiment de vivre dans un village. Faisons en sorte que cette lampe allumée par Amma illumine le monde entier. »