Dans cet article, Swami Amritaswarupananda explique pourquoi Guru Purnima, la grande fête du maître spirituel,  est le jour sacré entre tous du calendrier indien : 

 » Les textes religieux de toutes les confessions présentent Dieu comme l’incarnation de la compassion, de l’amour et de l’altruisme, et autres nobles qualités. Mais est-il possible de parler de Dieu ? Peut-on voir, toucher, sentir cette divinité, peut-on en faire l’expérience ?

C’est possible – en la personne des maîtres spirituels ayant atteint la perfection et grâce à eux.

Établis en permanence dans l’état d’unité avec le divin, c’est à dire la vérité inaltérable de l’existence, ils sont véritablement divins, l’extraordinaire, dans une forme humaine ordinaire. C’est en les côtoyant et en les observant que nous en arrivons à la compréhension tangible de l’existence de Dieu. C’est grâce à eux que nous en arrivons à contempler la gloire divine, à ressentir la puissance divine et à faire l’expérience de sa beauté. C’est donc le maître spirituel qui sert de pont, c’est lui qui fait le lien entre d’un côté le monde du nom et de la forme, de l’autre l’Être suprême sans nom ni forme. Ce pont nous mène au divin. Ainsi, même si le calendrier du Sanatana Dharma est une succession sans fin d’observances religieuses et spirituelles, pour le chercheur spirituel, la plus sacrée de toutes, c’est Guru Purnima.

Voici ce qui m’a été raconté récemment par un savant du laboratoire national de Los Alamos où les États-Unis travaillaient sur la bombe atomique, dans le cadre du projet Manhattan : un jour des lycéens ont demandé au Dr Leon M. Lederman, physicien des particules, lauréat du Prix Nobel de physique en 1988, en visite au labo, s’il avait un message à leur délivrer. Il leur a répondu : « Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas. » Le Dr Lederman soulignait l’importance de l’humilité – la nécessité de garder à l’esprit à quel point « nous savons peu de choses sur cet univers ». C’est le Dr Lederman qui a donné le nom de « Particule de Dieu » au boson de Higgs. Il a écrit « Symmetry and the beautiful universe », un ouvrage dans lequel il livre sa pensée que tout dans le cosmos est interconnecté, tout, depuis l’atome minuscule jusqu’à la plus gigantesque des planètes.

Des milliers d’années avant que la science contemporaine et moderne ne commence à sonder les mystères de l’univers, les sages de l’antiquité – avec une logique et une faculté d’analyse indiscutables – avaient établi l’existence d’une super intelligence située au-delà du temps et de ce monde de diversité. Ils l’avaient appelé Brahman – la conscience absolue, le Soi suprême. Ayant transpercé le voile dissimulant cette précieuse vérité, ils avaient transmis leur connaissance à la génération suivante de chercheurs, donnant ainsi naissance à la lignée maîtres-disciples, qui n’a jamais été interrompue jusqu’à aujourd’hui. Guru Purṇima est le jour où nous reconnaissons notre  »dette  » envers cette lignée et tous les maîtres qui se sont succédé, comme autant de pierres précieuses variées enfilées sur le plus inestimable des colliers.

On appelle « physicien » celui qui a acquis une connaissance approfondie des interactions entre la matière et l’énergie. On dit d’un acteur, d’un chanteur ou d’un peintre de talent que ce sont des « artistes » car ils sont devenus des incarnations de l’art. Il en va de même pour les médecins, les enseignants, etc. Ces maîtres ne se contentent pas d’une étude superficielle de leur sujet ; ils s’y plongent au point de s’y fondre un peu. Il n’est donc pas rare que les gens les considèrent comme des incarnations de leur sujet ou de leur forme d’art. De la même manière, le véritable maître spirituel – qui connaît le suprême, Brahman – s’est fondu dans ce tout. On le salue et l’honore à ce titre. Le jour de Guru Purnima, on s’en souvient. Comme le dit l’upanishad Muṇḍaka : « Quiconque connaît le suprême devient véritablement Brahman. Dans sa lignée, ne naîtra personne qui ne connaisse Brahman. Il traverse le deuil, la vertu et le vice et, libéré de tous les nœuds du cœur. »

Les disciples ou le dévots réservent le premier jour de la pleine lune qui suit le solstice d’été pour réaffirmer leur  »dette » et leur gratitude envers leur maître spirituel et pour se consacrer à nouveau à leur chemin et à leur maître. C’est le moment pour le disciple et le dévot de réfléchir aux progrès accomplis et de faire le point sur ce qu’il leur reste à réaliser.

Comme le dit Amma : « En ce jour, faisons un peu d’introspection. Examinons nos actions et nos attitudes, demandons-nous : « Où est-ce que j’engrange des bénéfices ? Où est-ce que j’enregistre des pertes ? Faisons sincèrement vœu de confirmer nos progrès spirituels et de renoncer à nos négativités. »

Guru Purnima tombe une nuit où la lumière de la lune brille au maximum. En fait, cette lumière n’est pas du tout celle de la lune, elle n’est que le reflet du soleil. Ainsi, en ce jour sacré entre tous, puissent tous les disciples et les dévots se souvenir que la lumière qui illumine leur vie vient en fait du maître spirituel. En ce jour, éprouvons cette humilité. Comme l’a dit Einstein : « Quiconque se consacre sérieusement à la science acquiert la conviction de la présence dans toutes les lois de l’univers d’un esprit largement supérieur à l’homme, envers lequel, avec nos modestes facultés, nous devons faire preuve d’humilité. »

Inclinons-nous tous devant cette grande puissance incarnée par le maître spirituel. Car ce faisant, nous réaliserons peut-être un jour que sans avoir jamais été la lune, nous avons toujours été le soleil qui brille de lui-même.