(21 Août 2017, Amritapuri, Inde)

Lors d’une séance de questions-réponses à Amritapuri cette semaine, quelqu’un a posé une question à Amma à propos de maya (terme sanscrit : nature illusoire du monde).
Voici la question qu’il a posée à Amma :  » Qu’est-ce que maya et pourquoi est-il si difficile de s’en défaire ? Je fais des pratiques spirituelles depuis de nombreuses années et je suis toujours sous l’emprise de maya. Dans ce monde, tous désirent ardemment l’amour. Quel lien y a t-il entre maya et l’amour ?  »

Amma a répondu : « maya ne signifie pas ‘non-existant’, mais plutôt ‘en constant changement’. Par exemple, prenez une fleur complètement épanouie. Vous en appréciez la couleur et le parfum. Mais d’ici le soir, cette même fleur sera flétrie Avec cette compréhension, vous appréciez la fleur. Si vous comprenez que tout change, quand la fleur flétrira, vous ne pleurerez pas. Maya ne signifie pas que cette fleur n’a jamais existé, mais qu’elle change constamment d’état. »

« En évoluant dans la vie avec des idées préconçues, nous ferons à coup sûr l’expérience de la souffrance. Nous pensons que celui-ci va m’aimer, que celui-là me donnera ceci ou cela – cette attente crée de la souffrance. Dépendre de ce qui est changeant engendre de la souffrance. Voilà la vraie définition de maya. »

« Si vous aimez quelque chose qui n’est pas présent à l’intérieur des gens, alors vous ressentirez de la souffrance. C’est cela maya. Pour le moment, nous n’avons pas la capacité d’aimer réellement les autres êtres humains à cause de notre ego. Nous les utilisons. Nous voulons qu’ils soient sur notre longueur d’onde mais nous refusons de nous mettre sur la leur. Ainsi, l’ego et l’attitude du « je » bloquent le flux de l’amour véritable. C’est pour cela que nous aimons tant les chats et les chiens car ils répondent à nos souhaits, ils obéissent à nos ordres. Cet ego est le fondement de maya. »

« Nous passons notre vie à croire que l’on peut trouver le bonheur chez les autres, ou à l’extérieur de nous-mêmes. Voilà ce qui nous empêche de dépasser cette maya. Les mariés deviennent comme deux mendiants en demande l’un de l’autre. Tous deux attendent de recevoir de l’autre, aucun n’est prêt à donner. Or, si personne n’est là pour donner de l’amour, comment en recevrez-vous ? On peut aussi prendre la comparaison avec deux aveugles, chacun essayant de montrer le chemin à l’autre, ils sont condamnés à trébucher ici et là, sans aboutir nulle part. »

« Notre amour comporte toujours une attente. Certains adorent les chevaux de course, mais si leur cheval a un accident et se casse une patte, ils peuvent en arriver à tuer le cheval qu’ils adoraient. Nous aimons les vaches car elles donnent du lait, mais une fois qu’elles ne donnent plus de lait, nous n’hésitons pas à les envoyer à la boucherie. Telle est la nature de l’amour terrestre. »

« Il peut arriver qu’un chien errant mâche un os au point de faire saigner ses gencives. Le chien savoure le sang, pensant que c’est le sang venant de l’os. Finalement, le chien saigne tant qu’il perd connaissance. De la même manière, nous croyons trouver le bonheur à partir des objets des sens, mais si nous y regardons de plus près, nous découvrirons que la source du bonheur est toujours et seulement en nous. Nous pensons que la source de la béatitude c’est les autres ou ce sont des objets à l’extérieur de nous. Voici pourquoi nous n’arrivons pas à surmonter maya. »

« Nous dépendons des autres pour l’amour et le bonheur, nous dépendons de quelque chose qui n’existe pas. Ainsi, nous sommes en attente de quelque chose qui n’est pas là. Éveillons-nous intérieurement. Au lieu de réclamer, nous devrions donner. »

« Essayons de voir chaque chose pour ce qu’elle est et la souffrance cessera. Par exemple, voyons l’éléphant comme un éléphant et la grenouille comme une grenouille. Voyons l’infirmière comme une infirmière et le médecin comme un médecin. N’attendons pas d’une infirmière qu’elle se comporte comme un médecin et n’attendons pas du médecin qu’il se comporte en infirmière. N’attendons pas qu’un chien se comporte comme un chat, ni inversement. Le sucre et le sel sont tous deux blancs et pourtant nous ne nous attendons pas à ce que le sucre ait le goût de sel, ni inversement. »

« Par exemple, imaginez que vous deviez emprunter de l’argent, alors vous allez voir un ami d’enfance et vous lui demandez de vous prêter 1 000 euros. Cet ami vous avait dit par le passé : « Viens me voir quand tu veux si tu as besoin de quelque chose, je suis vraiment riche. Je peux t’aider dans les moments difficiles. » Mais quand vous allez le trouver, les choses peuvent en aller tout autrement. Il pourrait vous dire par exemple : « En fait, je comptais aller te voir. J’ai moi-même un besoin urgent d’argent. Peux-tu me donner 10 000 euros ? ». Ou bien, il se peut qu’il dise qu’il peut vous prêter de l’argent, mais seulement la moitié de ce que vous lui demandez. Il se peut même qu’il vous offre beaucoup plus que ce que vous ne lui avez demandé, 5 000 euros par exemple. »

« C’est l’attente qui génère le chagrin. Quand nous n’obtenons pas ce que nous nous attendions à recevoir, nous sommes tristes. Cette tristesse fait place à de la colère, qui conduit finalement à la dépression. Mais, tout commence par l’attente. Au lieu d’attendre de recevoir, mettons-nous à penser à donner. Ne cherchez pas le bonheur à l’extérieur de vous-même. Il y a une source inépuisable de bonheur en nous. Nous ne sommes pas des bougies allumées par autrui, mais le soleil radieux qui brille de lui-même. Nous ne sommes pas des chatons pleurnichant, mais des lions qui peuvent rugir s’ils le choisissent. »

« Quand nous comprenons la spiritualité, notre vie devient comme celle de Krishna – une vie remplie de rire. Même lorsque Gandhari l’a maudit, il a souri et a dit : « Je m’y attendais ». Comprendre la spiritualité, c’est comme le nageur confirmé qui nage dans l’océan – il s’amuse dans les vagues. Une fois ce savoir acquis, nous serons capables d’aller et venir avec un esprit équanime. »