» Mes humbles salutations à Amma, mes salutations à tous mes frères et sœurs qui me regardent.

Il y a une chose que je voudrais avouer, mais je ne sais pas si je dois le dire. Pourquoi ? Parce que ma situation est assez semblable à celle du médecin parti voir un patient très inquiet à l’idée de devoir subir une opération délicate. Le médecin va lui remonter le moral et lui dit : « Pourquoi vous inquiéter ? » Le patient répond : « C’est la première fois que je me fais opérer et donc je suis inquiet. » Le médecin ajoute : « Ce n’est pas une raison pour s’inquiéter, il faut être joyeux et très courageux lorsqu’on va faire quelque chose pour la première fois ; regardez-moi, je suis vraiment courageux. » Alors le patient demande : « Docteur, qu’est-ce que vous faites pour la première fois ? Le médecin lui dit : « Vous êtes le premier patient que je vais opérer. »

Imaginez un peu l’état du patient. Au lieu d’être rassuré, il a été découragé. C’est un peu pareil avec moi :  je pèse le pour et le contre pour savoir si je dois vous l’avouer ou pas. Mais je vais me lancer ; avec la grâce d’Amma, tout ira bien : je dois vous avouer que c’est mon premier enseignement live. J’ai l’habitude de parler, de voir les gens, leurs réactions, et d’adapter mon discours en conséquence. Alors, avec votre grâce, vos bénédictions et votre coopération, continuons !

Quel est le sujet de cet enseignement ? En gros, nous allons examiner cinq questions tout à fait pertinentes dans le contexte actuel où nous voyons de la souffrance partout.

  1. La première question se devait naturellement d’être : qui est le plus qualifié pour nous guider sur le chemin qui met un terme à la souffrance ? 
  2. Deuxième question : que faire dans le contexte actuel auquel nous sommes confrontés ?
  3. Troisième question : quelle est la cause de la souffrance humaine et quelle est la solution à la souffrance humaine, selon les principes spirituels ?
  4. Quatrième question : comment appliquons-nous les principes spirituels dans notre vie sur le long terme ?
  5. Cinquième question : que gagne-t-on à avoir une approche spirituelle de la vie ?

Question 1 – Qui est le plus qualifié pour nous guider sur le chemin qui met un terme à la souffrance ?

Quel est le guide le plus qualifié pour nous faire échapper à la souffrance ? Regardons une personne qui peut nous sembler, à la regarder, beaucoup souffrir, mais qui en fait, non contente de gérer facilement sa souffrance, soulage aussi celle de millions de personnes. Ceux qui trouveront la réponse à cette devinette ne recevront aucune récompense ! Examinons donc la vie d’Amma.

Nous nous faisons une idée d’Amma, mais regardons les faits tels que nous les voyons.
Que fait Amma ? Examinons sa vie : depuis 48 ans, que fait-elle chaque jour ? Elle travaille dur physiquement, elle étreint des milliers de personnes chaque jour, ce n’est pas facile. Si vous et moi devions serrer la main ne serait-ce que de dix personnes, nous aurions mal à la main au point d’aller chez le chiropracteur. Mais Amma prend des milliers de personnes dans les bras chaque jour ; c’est dur, physiquement. Et elle ne mange pas avant le darshan (bénédiction sous forme d’étreinte) , elle dit toujours « Je vais faire mon travail et je mangerai seulement après ». Elle mange donc après le darshan. Observez Amma, et vous verrez que la plupart du temps elle parle en donnant le darshan, en étreignant les gens pendant 15, 16, 18 heures par jour. Elle parle tout le temps, soit à la personne qui reçoit le darshan, soit à quelqu’un sur le côté qui vient lui poser des questions. Ce n’est pas facile de parler sans arrêt. Si vous parlez pendant une heure, vous serez assez fatigué, mais Amma parle 15 ou 18 heures, voire plus, par jour.

Ensuite, qu’est-ce qu’elle fait d’autre ? Elle écoute tous les chagrins dont nous nous déchargeons sur elle. Tout le monde vient à Amma avec ses chagrins, pour les lui raconter, et repartir soulagé. Voyons comment les psychiatres ou les psychologues font eux aussi un travail similaire : ils écoutent les personnes perturbées, mais eux ils ne peuvent écouter que de cinq à huit personnes par jour. Ils ne peuvent pas faire plus, sans risquer d’être affecté mentalement. Mais voyez comme Amma écoute les chagrins de milliers de personnes chaque jour.

Ensuite, elle doit aussi gérer beaucoup de personnes dans son entourage. Nous sommes pour la plupart d’entre nous parfois assez désobéissants. Elle doit gérer le stress occasionné. Sans parler de la gestion de projets caritatifs de plusieurs millions de dollars.

Cerise sur le gâteau, elle ne reçoit pas de salaire pour ce travail. Moi aussi, je peux faire tout cela, me direz-vous peut-être, mais au moins pour un bon salaire. Mais pas de salaire pour Amma.

La bonne personne, c’est donc Amma. En observant la vie d’Amma, on a l’impression qu’elle souffre, mais intérieurement, Amma ne souffre pas. Et elle nous montre comment gérer la souffrance. Mais certains d’entre nous vont dire : oui, nous avons vu Amma, mais rien ne change en nous.

 

À ce stade, je me souviens d’un incident dans l’antique épopée du Ramayana, qui raconte l’histoire du Seigneur Rama. Le Seigneur Rama et le maître Vishwamitra entrent dans un ashram désert, il n’y a personne, juste une pierre énorme. Vishwamitra dit à Rama : « Pose ton pied sur la pierre pour que la poussière de tes pieds s’y dépose. » Ce que fait le Seigneur Rama, et immédiatement cette pierre se transforme en une femme : Ahalya. Ahalya avait été victime d’une malédiction : elle avait été condamnée à être transformée en pierre, mais si la poussière des pieds de Rama se déposait sur elle, elle reprendrait sa forme première. Cette histoire a une signification d’une grande profondeur, pertinente pour nous.

 

Avant de rencontrer Amma, lorsque nous étions dans le monde, en venant au monde, la plupart d’entre nous, tous en fait, nous sommes arrivés à cette conclusion : il n’y a rien sur terre qui mérite de s’appeler amour désintéressé. Tout l’amour que nous voyons, quand les gens disent qu’ils vous aiment, ils attendent de vous quelque chose de particulier, ce qui fait que nous ne rencontrons jamais l’amour désintéressé. Mais avec Amma, nous rencontrons un être qui est à 100% désintéressé, tout le temps. Le fait même d’entrevoir le pur amour désintéressé nous transforme. La poussière des pieds de Rama symbolise la vision de l’amour désintéressé. Ainsi, lorsque nous voyons Amma, et que nous voyons l’amour désintéressé qu’elle dégage, une transformation irrévocable s’opère en nous, car le monde est désormais un lieu où l’amour désintéressé est possible.

Regarder Amma me rappelle l’étoile polaire. Dans l’antiquité, les voyageurs se guidaient grâce à l’étoile polaire, parce que, lorsqu’ils regardaient le ciel, tout changeait perpétuellement de position, sauf l’étoile polaire qui restait fixe. Ils la regardaient, et elle les guidait dans leur voyage. De même, lorsque nous la regardons, Amma nous guide toujours. Tout le reste autour d’elle change, mais elle, elle ne change pas. Tout ce qu’elle fait, elle le fait purement et simplement par amour désintéressé pour autrui. C’est quelque chose qui nous inspire.

Pourquoi parlons-nous tant du maître spirituel et de ses qualités ? Parce que ses qualités deviennent ce que l’on appelle nos pratiques spirituelles.

Si on lit la récitation des 108 d’Amma, on y trouve énumérées beaucoup des qualités d’Amma. En fait, on m’a dit que le groupe de pratiques de Sydney commence un cours pour expliquer la signification des cent huit noms d’Amma. Et c’est vraiment incroyable. Pourquoi ? Parce que, quel est l’intérêt de pratiquer ces qualités, les qualités que possède Amma ? Qu’avons-nous à espérer en tentant de les absorber et de les mettre en pratique ? Les poètes sanskrits de l’antiquité, Kalidasa et Bhartrhari, en ont parlé comme faisant partie intégrante de la quête spirituelle. Ils utilisent la comparaison avec une goutte d’eau de pluie pure qui tombe à l’intérieur d’une huître béante. Lorsque cette goutte d’eau de pluie tombe à l’intérieur de l’huître, celle-ci se ferme et au bout d’un certain temps, lorsqu’elle s’ouvre à nouveau, on voit que cette goutte d’eau de pluie s’est transformée en une perle inestimable. De même, si nous sommes capable de prendre une seule qualité d’Amma, un seul de ses enseignements, de l’absorber, de l’intégrer, cela nous transformera et nous découvrirons quelque chose d’extrêmement précieux en nous.
Certains me diront : « Mais nous sommes physiquement très loin d’Amma. Comment pouvons-nous nous imprégner des qualités d’Amma ou de ses enseignements ? »

J’aimerais vous raconter quelque chose qui m’est arrivé il y a quelques années. Je dirigeais une retraite dans un pays hors de l’Inde. Et, pendant cette retraite, une femme est venue me voir pour me parler de son expérience. Elle m’a dit : « Je vais vous raconter quelque chose et ensuite j’aurai une question. » Cette femme m’a dit qu’elle avait une mauvaise addiction et qu’elle n’arrivait pas à s’en débarrasser. Chaque jour, le soir avant d’aller se coucher, elle priait devant la photo d’Amma : « Amma, Amma s’il te plaît, guéris-moi de cette dépendance ». Rien à faire. Puis un jour, la dépendance était devenue telle qu’elle l’avait poussée à faire quelque chose qui avait fait qu’elle était absolument dégoûtée d’elle-même. Et cette nuit-là, elle était très en colère devant la photo d’Amma : « J’ai littéralement hurlé sur la photo d’Amma : Amma, tu dois me guérir de cette dépendance. » Et puis plus rien. Elle s’est endormie, et le lendemain matin, en se réveillant, elle a dit que la dépendance avait disparu. Partie complètement, une fois pour toute. Amma avait supprimé sa dépendance. Je lui ai dit « Très bien, c’est une belle expérience », et je savais quelle question elle allait me poser. Elle a ajouté : « Maintenant que je vous ai fait part de mon expérience, j’ai une question. » « Ok, s’il vous plaît, quelle est cette question ? » « Tout le temps, que j’ai prié devant la photo d’Amma, rien ne s’est passé. Mais quand j’ai hurlé à la photo d’Amma, elle m’a guérie de ma dépendance, comment ça se fait, Swami ? »

Nous savons tous maintenant que les voies d’Amma sont très, très mystérieuses. Avec notre intellect limité, impossible d’en deviner la raison. Alors j’ai prié Amma : « Amma, tu as aidé cette fille, maintenant aide-moi à répondre à sa question. » Au moment où j’ai prié sincèrement Amma, dans mon esprit, une histoire est venue, que j’avais entendue il y a longtemps, et c’était assez adapté.
Voici l’histoire : c’est l’histoire d’un homme qui était un ardent adepte de Krishna ; il méditait beaucoup et priait devant la statue de Krishna ; son seul but dans la vie était d’avoir une vision de Krishna, mais Krishna ne lui apparaissait jamais. Donc, au bout d’un certain temps, au bout de très longtemps, fatigué, il s’est fâché contre Krishna : « J’ai entendu dire que Shiva est si facile à contenter, qu’on l’appelle celui qui est facilement content, alors je vais plutôt prendre une statue de Shiva et l’adorer et peut-être que j’aurai la vision de Shiva. » Il apporta donc la statue de Shiva, qu’il plaça devant lui, et il déplaça la statue de Krishna sur le côté. Puis il alluma un bâton d’encens, le mit devant la statue de Shiva et ferma les yeux pour se mettre à méditer et à prier.
Il pensait que maintenant Shiva allait lui apparaître, mais comme il n’en était rien, au bout d’un certain temps, il ouvrit les yeux et se mit en rage. Pourquoi ? Parce que la fumée du bâton d’encens, au lieu de se diriger vers Shiva, montait vers la gauche et entrait dans les narines de la statue de Krishna. En voyant cela, il se mit en rage. Fixant la statue de Krishna, il dit : « Krishna, non seulement tu es un menteur, car tu as dit que si on te priait, tu nous apparaîtrais ; mais tu n’en as rien fait, tu es un menteur. Et en plus tu es aussi un voleur, cette fumée d’encens est destinée à Shiva et tu la voles. Je vais te régler ton compte. » Il regarda autour de lui et prit du coton. En colère, il bourra le coton dans les narines de la statue de Krishna. À ce moment-là, Krishna lui apparut et lui accorda la vision de son moi Divin. Le dévot était dans la béatitude ; puis se souvenant de ce qu’il avait fait, il pria Krishna : « Ô Seigneur pardonne-moi, je t’ai insulté, j’ai mis du coton dans tes narines, mais dis-moi, tout le temps que je t’ai prié, tu n’es jamais apparu devant moi et quand je te fourre du coton dans les narines, tu m’apparais ; pourquoi ? »
Alors le Seigneur Krishna lui dit : « Tout le temps que tu priais devant cette statue, tu pensais mentalement que ce n’était qu’une statue, et tu priais mécaniquement, mais au moment où tu as mis du coton dans les narines de la statue, pour toi ce n’était plus une statue, tu pensais vraiment, tu sentais, tu croyais, tu visualisais que cette statue, c’était moi, le Seigneur Krishna. Donc, quand tu m’as visualisé si parfaitement, je n’ai pu que t’apparaître. »

Cette sensation de visualisation intense est un sentiment spirituel très intense, on visualise et on sent et on rend manifeste ce qui est présent, mais pas manifeste pour les sens. Nous en parlerons un peu plus tard parce que c’est la qualité la plus importante pour la dévotion.

Question 2 – que faire dans le contexte actuel ?

Maintenant que nous savons qui doit nous guider, que faire dans le contexte actuel ? C’est la deuxième question. Il est évident que la situation actuelle exige de nous imposer à nous-même une grande discipline. Nous devons suivre toutes les instructions données par les autorités et les gouvernements respectifs, en particulier en ce qui concerne l’isolement et la distanciation sociale, car c’est la seule façon de contenir la propagation du virus. Nous pourrions également nous porter volontaires pour des actions à l’initiative du gouvernement et des autorités locales. Faites tout ce qui est possible pour vous porter volontaires et aider, dans la mesure où la loi le permet. Il est possible de faire un don, en nature ou en argent, pour aider les personnes qui souffrent.

Normalement, lorsque nous sommes confrontés à des situations difficiles, nous perdons espoir, mais si nous relevons le défi, nous pouvons renverser même les situations difficiles.
C’est l’histoire d’un homme dont le cheval mourut. Alors cet homme voulut à tout prix se débarrasser du cheval. Il alla voir l’avare du coin : « Je vous donnerai mon cheval pour 1 000 $. » L’avare marchanda : « Non, je ne vous en donnerai que 200 dollars. » Notre homme répondit alors : « OK, donnez-moi les 200 dollars, allez chez moi. Vous verrez le cheval couché, il est à vous. » Et celui qui avait vendu le cheval disparut, et s’en alla pour longtemps.
Longtemps après, il lui fallut retourner dans sa ville natale. Un peu gêné, il ne savait pas comment faire face à cet avare parce qu’il l’avait escroqué de 200 dollars. Mais finalement il rassembla son courage, et s’en alla s’excuser auprès de l’avare : « Je suis vraiment désolé pour le cheval ». L’avare répondit : « Rien de mal, vous avez fait ce que vous vouliez, c’est parfait. » « Je vous en prie, ne soyez pas en colère contre moi. » Et l’avare de répondre : « Je ne suis pas du tout en colère contre vous, je suis très heureux que vous m’ayez permis de gagner beaucoup d’argent. »
Surpris, notre homme demanda : « Que s’est-il passé ? Comment avez-vous gagné de l’argent avec un cheval mort ? » « C’est très simple. J’ai annoncé dans le journal local, que l’on pouvait m’acheter une assiette pour un dollar, (il vendait des assiettes) et qu’on avait une chance de gagner un cheval dans le cadre d’une tombola, d’une loterie. Le gros lot, c’était le cheval. Les gens ont aimé l’idée et j’ai vendu 10 000 assiettes, ce qui m’a permis de gagner 10 000 dollars. J’ai utilisé un système de tirage au sort, j’ai sélectionné un gagnant et je lui ai donné le cheval. Mécontent, le gagnant a déclaré « Mais ce cheval est mort », alors je lui ai rendu son argent. Je lui ai rendu son dollar. » Vous voyez, cet avare a réussi à retourner en sa faveur une situation pourtant très défavorable.

De même, Amma nous donne toujours un seul et même conseil : « Soyez avare ». Est-ce bien Amma qui dit cela ? Amma dit « Soyez avare de votre temps ». Amma dit que chaque seconde est importante. Faites attention à la façon dont vous utilisez chaque seconde. Si nous faisons très attention au temps que nous avons, nous retournerons en notre faveur même les situations difficiles.

Qu’est-ce que l’on peut faire dans la situation actuelle ? Tout d’abord, rester en bonne santé, ce qui est très important, et renforcer son immunité. On peut faire de l’exercice, du yoga. On peut perdre tous les kilos superflus que l’on avait prévu de perdre quand on aurait le temps de faire beaucoup d’exercice. On peut utiliser le temps disponible quand on doit rester assis chez soi sans sortir. On peut apprendre quelque chose d’utile pour sa vie professionnelle. Beaucoup d’universités, beaucoup d’institutions ont ouvert leurs cours. Vous pouvez suivre gratuitement des cours de certification en ligne et monter en compétence.

On peut aussi faire ce que l’on voulait faire depuis longtemps mais que l’on avait remis à plus tard, faute de temps : apprendre à chanter, écrire, nettoyer la maison, se débarrasser du bazar inutile qui encombre le grenier, etc.

Enfin, le plus important à faire dans la situation actuelle c’est d’approfondir ses pratiques spirituelles. Amma dit que « Si nous prions tous sincèrement, la situation actuelle due au virus s’adoucira ». Amma dit que nous devons tous prier et que nous devons prier sincèrement. Nous pouvons donc tous prendre une résolution : je ferai assidûment telle pratique spirituelle jusqu’à la fin du confinement.

Par exemple, réciter le mantra à Shiva : Mahamrityunjaya 108 fois par jour, mille fois par jour, selon votre goût. L’effort sincère et le lâcher-prise attireront sans nul doute la grâce de surmonter les difficultés actuelles.

 

Question 3 – Pourquoi souffrons-nous ? Quelle est la raison de la souffrance ?

L’incident qui suit s’est produit il y a 24 ou 25 ans, lors d’une tournée d’Amma à l’étranger, aux États-Unis et en Europe. Lorsqu’elle partait, elle s’absentait pendant trois mois. Pour ceux d’entre nous qui étaient à Amritapuri, l’attente du retour d’Amma était insupportable. À son retour cette année-là, quand Amma est sortie de sa chambre pour aller donner le darshan, j’étais là, devant sa chambre. Lorsque je l’ai regardée, j’ai été bouleversé par un mélange d’émotions. La tristesse, la douleur de la séparation m’ont submergé et les larmes me sont monté aux yeux. En même temps, Amma était devant moi, et cela me donnait le sourire. Amma m’a alors regardé et m’a dit avec beaucoup d’amour : « Mon fils, tu ris ou tu pleures ? » Et je n’ai rien pu répondre. Les larmes sont venues… ont continué à couler. Amma me regardait… Elle n’a rien dit. Elle a simplement fait un geste et levé les yeux. J’ai eu l’impression qu’Amma voulait me dire : « Si tu veux pleurer, pleure. Qu’est-ce qu’Amma peut faire de plus, puisqu’Amma est déjà là, devant toi ? »

Des années plus tard, lorsque nous avons commencé à étudier les textes philosophiques des Écritures, j’ai découvert l’essence de la Bhagavad Gīta, en particulier un verset au chapitre 6 qui veut dire : élevez-vous par vous-même. Ne vous laissez pas descendre. C’est votre mental qui est votre meilleur ami. C’est votre mental qui est votre pire ennemi. Alors, élevez votre propre soi grâce à votre mental. C’est le mental qui est le plus important. Si on apprend à gérer le mental on arrive à surmonter la peine.

Dans le Mahabharata, épopée antique écrite il y a des milliers d’années, il y a un dialogue intéressant entre un être mystique appelé et le roi Yudhisthira – qui est extrêmement juste et bien informé. Cet être mystique, a maudit les frères du roi et il dit au roi : « Tu dois répondre correctement à mes 18 questions. C’est à la seule condition que tu répondes à ces 18 questions que la malédiction sera levée ». Le roi Yudhisthira était extrêmement noble, extrêmement vertueux et extrêmement bien instruit. Il répondit à toutes les questions et la malédiction fut levée. Parmi ces 18 questions, la dernière était très intéressante. « Quelle est la chose la plus étonnante au monde ? » Yudhisthira répondit : «  Chaque jour, d’innombrables créatures s’embarquent sur le bateau de Yama, le dieu de la mort ; chaque jour, des milliers d’êtres meurent. Et pourtant, ceux qui restent se croient immortels. »
Chaque jour, que nous en soyons conscients ou non, environ 150 000 personnes en moyenne meurent. Nous n’en sommes pas conscients, donc nous ne sommes pas touchés. Le mental n’est donc pas affecté. Il n’est donc pas vrai que nous souffrons des réalités de la vie. La science spirituelle dit que nous souffrons à cause d’une compréhension incomplète de qui nous sommes, de la nature du monde et de notre relation au divin. Amma dit : « La solution spirituelle pour se débarrasser complètement de la souffrance, pour débarrasser complètement notre vie de la souffrance, c’est de comprendre la relation qui existe entre trois choses : l’âme individuelle ; le monde qui nous entoure, le Seigneur Suprême, le créateur de cet Univers. »

Amma apporte des précisions à ce sujet : « Nous avons une nature permanente et une nature temporaire et nous souffrons parce que nous nous concentrons exclusivement sur notre nature temporaire et que nous évitons de regarder notre nature permanente. » Pour paraphraser Amma, ce ne sont pas les paroles d’Amma, mais leur essence : nous croyons que nous sommes des êtres matériels, qui ont parfois des expériences spirituelles ; mais la vérité c’est que nous sommes des êtres spirituels qui ont des expériences matérielles temporaires.
Ceci est très, très magnifiquement illustré dans la Mundaka Upanishad, un texte ancien qui parle du chemin de la sagesse comme d’un « brasier pleinement enflammé. Des milliers d’étincelles, en essence feu elles-mêmes, s’envolent et retombent dans le feu. De même, de cet être divin, de cet être impérissable, des milliers et des millions de créatures émergent et se fondent à nouveau en lui. » Voilà donc l’essence de la sagesse spirituelle : nous avons une nature permanente, que nous oublions complètement et nous nous contentons de nous concentrer sur notre nature temporaire.

 

Question 4Alors, que faisons-nous de façon permanente ou à long terme ? Comment nous concentrons-nous sur le permanent ? 

C’est l’histoire d’un homme qui va dire à son médecin : « Je ne suis pas satisfait du traitement que vous donnez à ma femme. » À la question du médecin qui lui demande pourquoi, il répond : « Docteur, avant que ma femme ne commence à venir vous voir et à recevoir le traitement que vous donnez, elle me disait : « tu es si beau, tu es si beau, j’ai de la chance de t’avoir épousé ». Après être venue vous voir et après avoir reçu les traitements que vous lui donnez, elle a complètement changé. Son comportement a changé. Elle me regarde en disant : « tu n’es pas beau du tout, tu es laid. »  Alors, docteur, je pense que les piqûres que vous lui faites, peut-être que cela perturbe ses hormones ou autre chose, car elle a complètement changé. Alors, s’il vous plaît, arrêtez de lui administrer ces piqûres. » Le médecin sourit et répond : « Il est vrai que j’ai traité votre femme, mais je ne lui ai fait aucune piqûre, aucun traitement de ce genre. Je n’ai fait que lui prescrire des lentilles de contact parce que sa vue était mauvaise. Maintenant, elle a mis des lentilles de contact et elle voit les choses telles qu’elles sont. »

Or, c’est exactement ce qui nous arrive : nous regardons le monde, nous nous regardons nous-même, nous nous concentrons sur le temporaire. Mais lorsque nous entendons les paroles de sagesse du maître, elles agissent comme des lentilles de contact ; elles ajustent notre concentration et nous permettent de nous concentrer sur ce qui est permanent en nous.

Amma dit toujours : « Apprenez la nature de la vie, n’apprenez pas la nature du monde, mais ce faisant vous saurez comment y faire face. » La nature de la vie est telle qu’il y aura toujours des bons et des mauvais moments. Amma parle toujours de l’oiseau perché sur un rameau sec. L’oiseau est perché sur le rameau, il s’amuse, la brise arrive, qui lui ébouriffe le plumage, il goûte le soleil, il se repose sur ce rameau sec. Mais il sait que ce rameau est sec, et peut se briser à tout moment et dès qu’il se casse, l’oiseau s’envole. L’oiseau ne dépend pas du rameau, il s’en sert.

De même, dans la vie, il y aura toujours des mauvais moments, il y aura toujours des bons moments. On réussit donc dans la vie quand on commence à s’efforcer de se sortir de toutes les mauvaises situations.

J’ai lu récemment un article intéressant rédigé par des scientifiques de l’université Columbia. L’un de ces scientifiques était très impliqué dans la découverte de médicaments contre le virus du sida. Ils essaient donc à l’université de Columbia de trouver un médicament qui guérira non seulement le coronavirus, mais aussi tous les virus qui peuvent se présenter. Les scientifiques disaient : « Nous devons être proactifs ; nous ne devons plus jamais être en situation de rattraper le retard. » C’est ce que l’on appelle une stratégie à long terme.

Donc, comme stratégie à long terme pour une vie spirituelle, il faut aussi commencer à se concentrer sur ce qui est permanent en nous. Pourquoi ? Parce que lorsque l’on se concentre sur ce qui est permanent en nous, rien ne peut nous affecter.

Regardez Amma et tout ce qui se passe autour d’elle dans tous les domaines. Rien n’ébranle son calme, car elle est installée dans ce qui est permanent. Et elle nous guide, nous montre comment atteindre cette nature permanente. Qu’est-ce qui nous empêche de nous concentrer sur ce qui est permanent ? Amma dit : « La véritable source de bonheur se trouve dans ce qui est permanent en nous. »

La tradition indienne se sert de l’exemple du bois de santal. Le bois de santal est en soi très parfumé. Mais s’il n’est pas conservé à l’abri de l’humidité, il se couvre d’épaisses pellicules qui font que le bois de santal dégage une odeur fétide. Ensuite, lorsqu’on gratte cette pellicule, le bois de santal exhale à nouveau son parfum d’origine. De même, Amma dit que notre vraie nature, ou ce qui est permanent en nous, notre nature inhérente, est l’amour, la beauté, la paix, la félicité. Mais nous ne le sentons pas. Pourquoi ? Parce que les couches qui recouvrent notre vraie nature, c’est-à-dire les trois tendances du mental doivent être purifiées. C’est le but de toutes les pratiques spirituelles.
La première couche que nous devons purifier est connue sous le nom de tamas (inertie) . Tamas recouvre les goûts et les aversions tenaces, qui sont dans notre mental. Comment ces goûts et aversions tenaces se manifestent-ils ? Ils disparaissent lorsque nous pratiquons ce que l’on appelle le service désintéressé. Lorsque nous pratiquons le service désintéressé, nous allons au-delà de ce que nous aimons et n’aimons pas. Dans le Devi Mahathmyam, une épopée ancienne à la gloire de la déesse Devi, l’élimination des goûts et des aversions tenaces, est représenté par le meurtre des démons Madhu et Kaitabha. Kali se fait l’instrument de leur terrassement. Les épopées antiques regorgent d’histoires de dieux tuant des démons. Elles représentent la purification de nos tendances négatives intérieures. Kali représente la force d’agir en nous.

La deuxième couche qui nous empêche de connaître la béatitude de notre vraie nature c’est l’incapacité du mental à se concentrer sur un point. Et ceci est représenté dans le Devi Mahathmyam par le meurtre du démon Mahishasura par Lakshmi. Le remède ce sont toutes les pratiques spirituelles que nous faisons, qui aident à développer la concentration : faire un rituel, chanter des chants dévotionnels, réciter les 108 noms, réciter son mantra, méditer. Alors nous purifions notre mental, nous le mettons sous contrôle. Lakshmi représente la force de la volonté en nous.

La troisième section du Devi Mahathmyam raconte comment la déesse Sarasvati terrasse les démons Shumba-Nishumba. Sarasvati est la déesse de la connaissance. Shumba et Nishumba représentent la troisième couche, le concept erroné que nous avons du moi et du mien. Elle représente la fausse connaissance. Lorsque votre connaissance est fausse, il faut la purifier et la corriger. Donc Shumba et Nishumba représentent le concept du moi et du mien et seule la déesse Sarasvati peut les anéantir. La déesse Sarasvati représente la force de la connaissance.
Ceux d’entre vous qui récitent l’archana (récitation de mantra), connaissent le mantra qui invoque les trois forces, leur force entre en nous. Lorsque nous invoquons la première, nous pouvons éliminer nos goûts et aversions les plus forts. Lorsque nous invoquons la seconde en nous, nous pouvons rendre notre mental plus calme, plus concentré, avec nos pratiques spirituelles. Et lorsque nous invoquons la troisième, la lumière de la connaissance, nous pouvons éliminer les idées fausses sur qui nous sommes. Et grâce à cela, nous atteindrons ce qui est notre vraie nature.

J’ai vu Amma à l’œuvre en tant que Sarasvati quand je l’ai vue détruire des concepts. Elle le fait tout le temps. Un jour que j’observais le darshan, j’ai vu une femme s’approcher d’Amma pour passer au darshan. Elle pleurait son mari décédé. Amma l’a prise dans les bras, l’a consolée, lui a accordé beaucoup d’attention, lui a caressé le dos, a continué à lui parler et elle s’est calmée un peu. Elle est revenue quelques temps plus tard. Et quand elle est passée au darshan, je me suis dit qu’Amma lui parlerait peut-être encore longtemps, la consolerait longtemps. Mais lorsqu’elle s’est approchée, j’ai remarqué qu’Amma l’a prise dans les bras et lui a murmuré quelque chose à l’oreille. Et rien de plus. Quelques secondes, c’est tout. Pas un long darshan, mais dès qu’Amma lui a dit quelque chose, son visage est devenu très calme, très paisible et elle a cessé de pleurer. Quelques jours après, je l’ai croisée et je lui ai demandé : « Que vous a dit Amma ? » Elle m’a répondu : « La première fois que je suis allée voir Amma, j’avais vraiment besoin de l’amour d’Amma et elle m’en a donné sans aucune limite. La deuxième fois, quand je suis allée voir Amma, j’avais moins de chagrin, mais je me disais : « Pourquoi moi ? Pourquoi mon mari est-il parti ? » Cette fois-là, Amma n’a dit qu’une chose. C’était une petite phrase, mais la vérité de cette phrase a résonné au plus profond de mon âme. » Amma lui a dit quelque chose de très simple. Amma l’a regardée et lui a dit : « Ma fille, s’il était vraiment à toi, serait-il parti sans ta permission ? » Une phrase toute simple, immensément riche d’enseignements. La femme a ajouté : « J’ai compris cette fois, que rien n’est vraiment à moi. Tout dans ma vie est un don de Dieu. Dieu souhaitait que mon mari vive avec moi pendant un certain temps. En fait quand dit-on qu’on a le contrôle de quelque chose ? Quand dit-on qu’une chose est à soi ? Quand on a le pouvoir de la contrôler. Plus je contrôle quelque chose, plus je peux dire que c’est à moi. Mais, je n’ai aucun contrôle. Celui qui s’est manifesté en tant que mon mari avait son destin. Il l’a vécu jusqu’au bout. Je remerciais Dieu de m’avoir donné un mari aussi merveilleux, mais le moment venu, il a dû partir, parce qu’il n’était pas à moi, il était un don de Dieu. » L’éveil de cette compréhension lui a donné une immense paix.

Pour résumer, qu’est-ce qu’une pratique à long terme ? Pour simplifier un peu, dans les foyers indiens, vous voyez, on allume une lampe le matin et elle reste allumée toute la journée. C’est très symbolique, car allumer la lampe signifie illuminer son cœur d’amour. En pratique, cela signifie donc que lorsque vous vous levez le matin, vous éclairez votre cœur à la lumière de l’amour. Ne vous levez pas du lit sans qu’un sentiment d’amour n’imprègne tout votre être. Ensuite, agissez à la lumière de la lampe. Autrement dit, à partir de ce sentiment d’amour, chacune de nos actions sera empreinte de compassion. On considère qu’il est malencontreux que la lampe s’éteigne dans un foyer indien. Alors, les gens veillent à ce que la lampe reste allumée. Si la lampe s’éteint, si la flamme s’éteint, on considère que c’est de mauvais augure. Nous devons en faire autant. Une fois que nous avons allumé la lampe de l’amour dans notre cœur et que nous nous sommes levés, que nous nous mettons en mouvement et que nous vaquons à nos occupations quotidiennes, nous devons veiller à ce que cet amour persiste. Il persistera si chacune de nos actions repose sur la compassion.

Vous voyez, quand on dit compassion, qu’est-ce que cela signifie ? Littéralement, lorsque vous regardez les racines du mot latin compassion, il suffit de dire « com + pati ». « Com » signifie « avec ». « Pati » signifie « tu souffres ». Donc quand vous souffrez littéralement avec quelqu’un, quand vous devenez un avec l’autre, quand vous ressentez la souffrance de l’autre, alors, vous ne pensez pas, vous agissez. Et c’est ce que nous voyons Amma faire tous les jours.

 

Question 5 – Que gagne-t-on à avoir une approche spirituelle de la vie ?

Examinons notre vie, nous venons au monde en pleurant et nous quittons ce monde en pleurant. Mais avec l’approche spirituelle, on peut quitter le monde autrement.
Je vais juste relater un incident raconté par un dévot. C’était très touchant. Ce dévot m’a dit que sa femme avait été diagnostiquée avec une maladie en phase terminale et qu’elle était à l’hôpital. Les médecins ont dit à la famille qu’il ne lui restait que quelques heures à vivre. Le mari était donc désespéré et les enfants aussi. Mais cette femme était extrêmement spirituelle. Elle avait passé sa vie à suivre les enseignements d’Amma, à faire des pratiques spirituelles. Elle leur a dit : « Ne pleurez pas. Je ne vous quitte pas, je vais me fondre en Amma. Je vais partir, asseyez-vous près de moi. » Elle les a faits s’asseoir autour d’elle et leur a dit : « Maintenant, récitez l’archana, que j’écoute les noms d’Amma. » Elle est morte en écoutant la récitation, un sourire aux lèvres. C’est ce à quoi peut aboutir une vie spirituelle. Nous sommes certainement venus au monde en pleurant, mais quand nous le quitterons, partons en souriant. Telle la fleur qui répand son parfum tout autour d’elle quand elle s’épanouit et qui se fait fruit au profit des générations à venir. Ainsi soit notre vie, que nous répandions le parfum de l’amour et de la compassion, et que notre vie soit une source d’inspiration pour les autres.

Dans des centaines d’années, les gens apprendront qu’il existait un grand être spirituel appelé Amma. Et quand ils demanderont quel était le message d’Amma, quel était le message de la vie d’Amma, la réponse sera « C’était amour et compassion ». Et quand ils demanderont : « Quel est le message de ceux qui suivent l’enseignement d’Amma, quel est le message de leur vie ? » Que le message de notre vie soit donc : « Merci Amma ».

Que la grâce d’Amma soit avec chacun d’entre nous afin que nous soyons source d’inspiration pour tous ceux qui nous entourent.

Terminons cet enseignement en récitant ensemble Lokah samastah sukhino bhavantu (que tous les êtres de l’univers soient en paix et heureux) neuf fois. En récitant ce mantra, ressentez les vibrations de paix et d’amour qui émergent dans votre cœur, se répandent, et apportent réconfort, réconfort et paix à tous ceux qui souffrent, aux proches de tous ceux qui souffrent, et que ces vibrations de paix aident ceux qui ont quitté cette enveloppe mortelle à continuer ce voyage spirituel.