(23 février, Kozhikode – Tour de l’Inde 2017)

Il était déjà 14 heures quand nous sommes arrivés à Kozhikhode ; après 9 heures de route sur les 20 heures prévues. L’air chaud s’engouffrait dans les cars par les fenêtres ouvertes et seuls nos quelques moments d’assoupissement nous donnaient un peu de répit dans la chaleur humide et écrasante du soleil du sud de l’Inde. Nous estomacs gargouillaient. Nous nous disions que nous allions bientôt nous arrêter pour le déjeuner, sauf que nous nous le disions depuis midi. Quand les cars se sont arrêtés sur le bas-côté de la nationale dans un quartier animé de la ville, la rumeur s’est propagée qu’Amma allait nous servir à déjeuner.

Soudain, une vague d’excitation nous a réveillés. Nous avons penché la tête par les fenêtres, cherchant du regard un grand espace dégagé ou un parking vide où nous pourrions prendre notre repas, mais rien ne semblait pouvoir accueillir une foule comme la nôtre.

Les portes du car s’ouvrirent. Nous longeâmes à toute vitesse la nationale jusqu’à un petit chemin de terre qui bordait une bananeraie. Au bout du chemin, il y avait une modeste maison avec un grand patio abrité par un simple auvent en tôle ondulée. Cet endroit ne ressemblait à aucun autre lieu où nous avions fait halte précédemment. Il n’y avait pas beaucoup de place et cela ressemblait en tous points à une résidence privée.

Tout le monde rôdait aux alentours en attendant de voir où serait installé le siège d’Amma. Quand celui-ci fut finalement installé à une extrémité du patio, l’endroit s’est rapidement rempli de dévots assis au coude à coude.

Après une brève méditation, Amma a commencé à distribuer le prasad (nourriture consacrée). Ce petit espace vibrait d’excitation tandis que les assiettes passaient de mains en mains. Quand nous avons tous été servis, Amma a commencé à égrainer ses souvenirs : « Amma est venue dans cette maison pour la première fois en 1985. » Amma a raconté l’histoire de sa visite et de la famille qui l’avait accueillie. C’est ici, dans cette petite maison, qu’Amma avait effectué son premier programme en dehors de l’ashram. Jusqu’alors, Amma n’avait jamais pensé à quitter l’ashram, mais en voyant le sacrifice financier auquel ses personnes consentaient pour venir lui rendre visite, Amma a ressenti la nécessité d’aller à leur rencontre.

Sa visite avait duré sept jours. Le premier jour, deux mille personnes étaient venues pour recevoir son darshan (bénédiction sous forme d’étreinte) et le nombre de visiteurs n’avait cessé d’augmenter de jour en jour. Chandrahasan, le propriétaire de la maison, donnait à manger à tous ceux qui venaient. En plus du darshan, il y avait eu des bhajans (chants dévotionnels) et des harikathas (histoires mythologiques entrecoupées de chants et de danses).

En souvenir de la visite d’Amma, Chandrahasan a transformé sa maison en salle de prière et, le premier dimanche de chaque mois, on y récite les mille noms de la mère divine, on y distribue une tonne et demie de riz, 20 filles viennent chercher leur bourse d’étude et on y donne un enseignement spirituel.

Amma raconta ensuite que Chandrahasan avait rencontré Amma en 1984 et qu’il avait tout de suite été subjugué par elle. Il avait ensuite acheté la première camionnette de l’ashram, ainsi que le terrain pour le temple de Kali. Amma précisa que Chandrahasan était entrepreneur et que son fils et lui coordonnaient à Delhi la construction du nouvel hôpital d’Amma qui allait ouvrir là-bas.

Amma gardait de cette première visite un doux souvenir et il était évident que cette maison lui était particulièrement chère. Elle ajouta qu’elle était revenue chaque année dans cette maison pour un programme et que Chandrahasan avait soigneusement tenu le compte du nombre exact de jours passés par Amma chez lui : à ce jour, 54 au total.

Amma nous a rappelé qu’une personne spirituelle doit ressembler, à l’extérieur comme à l’intérieur, à la rivière qui apporte à tous amour et paix et qui coule sans jamais s’attacher.

Après avoir entendu cette histoire, la petite maison nous est apparue sous un autre jour. Elle était remplie de souvenirs d’Amma et la modestie de sa taille nous a rappelé la modestie des origines de notre maître spirituel.

L’esprit revigoré en pensant à la façon incroyable qu’ont le passé et le présent de se mêler, nous avons terminé notre repas et repris la direction de la nationale pour la suite du voyage – qui devait encore durer onze heures. À cette époque lointaine, quelle foule que ces deux mille personnes dans une si petite maison ! À présent, le groupe du tour à lui seul avait du mal à tenir dans cet espace minuscule.

Nous remontâmes à bord des cars pour le long trajet en direction de Mangalore, portés par le ravissant souvenir de la maison de Chandrahasan et des histoires d’Amma.