4 décembre 2015, Amritapuri, Inde

« Nous ne courons aucun danger avec un mantra (formule sacrée) donné par un véritable maître spirituel » –

À Amritapuri (l’ashram d’Amma), pendant une session de questions-réponses, quelqu’un a demandé à Amma quelle était la meilleure façon de répéter son mantra.

Question : « Amma, j’aime réciter mon mantra à haute voix. Je ressens beaucoup d’amour, de dévotion et d’enthousiasme en faisant cela. Mais quand je me contente de bouger les lèvres sans émettre de son, je ne suis pas aussi concentrée et je ne ressens pas autant d’amour ni d’enthousiasme. Puisque tu es mon maître spirituel, je voudrais que tu m’éclaires sur la meilleure façon de réciter mon mantra. »

Amma : « Quand nous récitons des slokas (hymnes ou prières), nous pouvons bien sûr le faire à haute voix, il n’y a là aucun mal. Mais quand nous récitons des mantras qui comportent des bijaksharas (syllabe germe avec toute sa potentialité), il est conseillé de les réciter en se contentant de remuer les lèvres – sans émettre de son.

Imaginons que vous soyez seul chez vous ; vous pouvez bien sûr alors réciter votre mantra à haute voix. Cela ne pose aucun problème. Ou alors vous pouvez fermer la porte de votre salle de prière pour réciter votre mantra tout haut. Si vous vivez seul et qu’il n’y a personne pour vous écouter, dans ce cas-là aussi, vous pouvez réciter le mantra à haute voix. Certaines personnes en retirent plus de concentration.

Certains élèves adorent réciter leurs leçons tout haut tandis que d’autres préfèrent les lire en silence. Pour certains, la lecture silencieuse favorise la concentration. Cela dépend des gens. En général, s’il y a des gens autour de vous, il est préférable de réciter le mantra en vous contentant de remuer les lèvres, en tous cas au début car, par la suite, on n’a plus besoin de remuer les lèvres, on peut se contenter de répéter le mantra intérieurement.

Autrefois les maîtres spirituels ne donnaient pas l’initiation à un mantra aussi facilement. Ils suivaient les critères de l’Adhikari-bedha (personne qualifiée), ils vérifiaient si la personne méritait d’être initiée à un mantra. C’est à dire qu’ils voyaient si la personne était prête à pratiquer la récitation du mantra . Certains enfants sont doués pour le chant dès leur plus jeune âge. Une fois formés par un professeur de musique, ils n’ont pas de mal à devenir des chanteurs accomplis.

Concernant l’initiation au mantra, Amma ne s’est jamais préoccupée de l’Adhikari-bedha ; autrement, il n’y aurait personne à l’ashram [tout le monde rit]. Amma donne l’initiation au mantra à tous ceux qui le demandent, dans l’espoir que les gens réciteront ce mantra pendant un certain temps, même si ce n’est pas toute leur vie. De cette façon, ils en tireront au moins quelques bénéfices. C’est tout ce qui importe à Amma.

Puissance du bhijakshara

Quand Amma donne un mantra qui contient un bijakshara, il faut suivre les instructions qui vont avec. Un mantra avec un bijakshara doit être reçu directement de la bouche du maître spirituel. On doit être initié par le maître spirituel. C’est cela qui opère un changement, une transformation chez la personne.

Ici en Inde, le soir on met un peu de yaourt dans du lait et le lendemain matin, le lait a fermenté et s’est transformé en yaourt. Il se passe la même chose quand vous recevez un mantra d’un maître spirituel, c’est comme mettre du yaourt dans du lait. Ne pas recevoir le mantra d’un maître spirituel et essayer de se débrouiller tout seul, c’est essayer de changer le lait en yaourt en mettant autre chose pour le faire fermenter ; le yaourt risque d’être alors de moins bonne qualité.

Nous avons tous la vérité en nous mais nous ne la voyons pas parce que notre mental est contaminé. Quand nous disons « l’eau est chaude », l’eau n’est pas toujours à la même température. Elle peut être à 10 degrés, 20 degrés, 30 degrés ou même bouillante, à 100 degrés. À 10 degrés, il y a peut-être encore des micro-organismes qui survivent, mais plus la température augmente, moins il y a de micro-organismes. Un vrai maître spirituel est complètement pur et ce qui vient de lui peut opérer une transformation chez le disciple aussi. Quand un maître spirituel donne un mantra, il (ou elle) insuffle son énergie en nous, et cela peut opérer un changement qui vient de notre être intérieur.

Enthousiasme et pratique

Quand on commence les  pratiques spirituelles, nous sommes très enthousiastes. En même temps, il y a certaines règles à suivre pour rester concentré sur le chemin spirituel. Imaginons que vous ayez un véhicule neuf et que vous vous mettiez au volant pour la première fois. Au début vous n’irez peut-être pas très vite si le moteur est bridé. Ce n’est qu’après avoir fait un certain nombre de kilomètres que vous pourrez vraiment aller plus vite. Si vous avez un mixeur et que vous l’utilisez en continu, le moteur va brûler. Il faut l’éteindre de temps en temps pour ne pas brûler la bobine d’allumage.

Ceux qui ont une bonne compréhension de la spiritualité, qui ont lu des ouvrages spirituels et qui sont bien conseillés connaissent toutes les précautions à prendre, mais les autres ne doivent pas en faire trop sans prendre les bonnes précautions. Le fortifiant est dangereux si l’on dépasse la dose prescrite et le dosage est différent pour les enfants et pour les adultes. Si vous trouvez que le fortifiant a bon goût et que vous avalez tout le flacon, le produit ne vous fera pas de bien, il vous fera du mal. Pour les pratiques spirituelles telles que la méditation, c’est la même chose ; dans votre enthousiasme, vous allez peut-être vous dire : « Je vais méditer plusieurs heures d’affilée. » Mais si vous n’êtes pas suffisamment préparés pour méditer plusieurs heures d’affilée, cela peut provoquer de nombreux problèmes. Vous pouvez avoir la tête qui chauffe, vous pouvez avoir du mal à dormir, à digérer, etc. Ce genre de pratiques incontrôlées peut même conduire à la dépression ou déclencher d’autres maladies du même genre. Il faut donc se mettre très progressivement à la méditation, y aller avec lenteur et régularité.

Allongez vos pratiques petit à petit et n’en faites pas trop tout de suite. Au début, il est bon de faire 20 minutes ou une demi-heure de méditation. Quand cela devient facile pour vous, vous pouvez penser à allonger très progressivement votre temps de méditation. Il faut y aller très graduellement. Quand on commence à faire des pratiques spirituelles, il est important d’être bien guidé. Ceux qui n’ont aucune culture spirituelle ont absolument besoin d’être guidés par un maître spirituel – comme l’étudiant qui fait des travaux pratiques en laboratoire. Il lui faut un professeur à proximité qui explique comment utiliser tel ou tel produit chimique, comment s’y prendre pour bien faire telle expérience et quelles sont les précautions à prendre. Le maître spirituel nous explique ce qu’il ne faut pas faire au début et ce qu’il faut faire quand on commence. Il sait ce qui est préférable et conseille chacun en conséquence.

Mantra donné par un maître spirituel

Quand un maître spirituel donne un mantra, nous ne courons aucun danger. C’est comme un objet fragile – du verre par exemple – bien emballé pour être expédié par bateau. Même si le colis tombe par terre, l’objet ne cassera pas à l’intérieur, parce qu’il est bien emballé. C’est la même chose avec un mantra donné par un maître spirituel véritable, on ne court aucun danger. Recevoir un mantra de la bouche du maître spirituel, avec un bijaakshara, c’est comme recevoir un colis bien emballé : même s’il tombe, il ne se cassera pas. Recevoir ce genre de mantra d’une autre source, c’est comme avoir un objet très fragile qui va se briser en cas de chute, parce qu’il n’est pas protégé à l’extérieur. C’est pour cette raison que les mantras bijaaksahara doivent toujours venir d’un maître spirituel véritable si on veut en avoir les bienfaits. »