Points clés
- Les familles d’agriculteurs du village de Deurbal doivent composer depuis des générations avec des rendements irréguliers et de très faibles revenus.
- En 2016, le programme Live-in-Labs® de l’université Amrita a introduit la verveine des Indes, une culture résistante à la sécheresse, dans un contexte de forte demande du marché, en particulier pour son huile.
- Aujourd’hui, plus de 100 agriculteurs ont rejoint le projet, contribuant à stabiliser leurs conditions de vie, dont l’autonomisation des femmes de la communauté.
Dans la région tribale de Chhattisgarh, le village de Deurbal était depuis longtemps confronté à des aléas agricoles. La terre, essentiellement dédiée à la culture du riz et du maïs, était à la merci de la mousson et des sécheresses. Les rendements étaient irréguliers, les revenus très faibles et les opportunités rares. Les villageois suivaient les mêmes cycles depuis des générations, avec peu d’alternatives viables.
La situation a commencé à changer en 2016, lorsque des chercheurs et des étudiants du programme Live-in-Labs® de l’Université Amrita sont arrivés. Au lieu de mettre en place des solutions toutes faites, le programme s’est attaché à cocréer des interventions pratiques adaptées au contexte, dont beaucoup allaient ensuite remodeler les pratiques agricoles et l’économie du village.
L’une des initiatives les plus efficaces était l’introduction de la culture de la verveine des Indes, résistante à la sécheresse avec une forte demande du marché, en particulier pour son huile. Pour une communauté qui dépendait depuis longtemps de l’agriculture pluviale, cela représentait plus qu’une nouvelle culture : un nouveau cadre pour la résilience.
En partenariat avec des agriculteurs locaux, Live-in-Labs® a introduit la verveine à petite échelle. Trente agriculteurs ont participé à la phase initiale, et les résultats ont rapidement validé l’approche : en plus de rendements réguliers, les revenus tirés de l’huile ont commencé à dépasser ceux des cultures traditionnelles.
Ils ont également obtenu le soutien du CSIR-CIMAP du gouvernement indien, un institut de recherche de premier plan axé sur les plantes médicinales et aromatiques, qui met les technologies et les services à la disposition des agriculteurs et entrepreneurs.
Un protocole d’accord a été signé en présence d’Amma, en vertu duquel le CSIR-CIMAP offrirait le matériel de plantation de base, des compétences techniques et l’installation d’infrastructures de transformation. Les initiatives d’Amma fonctionneraient aux côtés des agriculteurs afin de promouvoir le projet, le mettre en œuvre et assurer un suivi quotidien.
Plus de 80 hectares furent rapidement mis en culture. Une unité de distillation, installée dans le village même, a permis aux agriculteurs de transformer l’huile localement et de capter plus de valeur de la chaîne d’approvisionnement. L’huile, de plus en plus demandée en Inde comme à l’étranger, a commencé à générer des revenus réguliers pour les agriculteurs.
« Avant, nous ne pensions pas que la terre pourrait nous donner beaucoup. Nous gagnons désormais mieux notre vie, et c’est un plaisir de voir pousser des cultures qui aident nos familles », a partagé M. Ramesh.
En parallèle, Live-in-Labs® a contribué à organiser la formation de huit groupes autogérés d’entraide Amrita SREE. Cette initiative d’Amma permet aux femmes en milieu rural d’être financièrement indépendantes et de prendre confiance en elles. Elle compte à ce jour 250 000 membres et 15 000 groupes d’entraide dans le pays.
À Deurbal, les femmes ont eu accès à des formations, des mécanismes d’épargne et des micro-prêts, avant de pouvoir assumer des rôles qui leur étaient traditionnellement interdits. Certaines sont devenues responsables d’activités agricoles et d’autres se sont occupées de la gestion financière de la logistique. Grâce à cela, la structure sociale du village a évolué à mesure que les femmes se sont mises à diriger la vie publique et économique.
Les groupes d’entraide ne s’occupent pas seulement d’argent : ils nous offrent une base pour être indépendantes », a expliqué Mme Kamala.
« Auparavant, nous sortions peu ou prenions peu la parole devant les autres. Maintenant, nous participons à des réunions, nous gérons de l’argent et nous nous soutenons mutuellement. C’est un plaisir de faire partie de quelque chose qui aide nos familles et le village entier. »
La transformation agricole a également entraîné une transition dans le mode de gestion des ressources. Les exploitations de Deurbal, auparavant vulnérables à la sécheresse, ont commencé à bénéficier de systèmes d’irrigation à énergie solaire mis en place dans le cadre du programme Saur Sujala Yojna des gouvernements de l’Inde et du Chhattisgarh.
Dix exploitations ont évolué vers une irrigation fiable autonome. Grâce à cette infrastructure, les agriculteurs se sont diversifiés davantage, plantant plus de 1 000 jeunes bananiers, ainsi que 400 cocotiers et 200 manguiers. Ces cultures à long terme ont créé de nouveaux flux de revenus et renforcé la sécurité alimentaire pour les générations futures.
M. Ghanshyam Upadhyay est coordinateur de zone pour Live-in-Labs dans le Chhattisgarh. Il travaille depuis dix ans dans des villages du nord pour aider les gens à sortir d’une pauvreté endémique.
« L’évolution de Deurbal illustre ce qui peut se produire lorsque les communautés sont autonomisées et non pas simplement accompagnées. Il ne s’agit pas seulement de mettre en place une nouvelle technique, mais de libérer les capacités qui existent déjà », a-t-il déclaré.
Ces activités de terrain ont permis de relever le niveau de vie à l’échelle locale, tout en avançant directement vers la réalisation des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies n° 1, 5, 7, 8 et 13, contribuant à l’allègement de la pauvreté, à l’égalité des genres, aux énergies propres et à l’agriculture durable.
Aujourd’hui, plus de 100 agriculteurs de Deurbal ont rejoint le projet. Les travaux sont en cours et leur impact se mesure déjà. Les revenus se sont stabilisés. La migration a ralenti. Les femmes dirigent et, plus important encore, il existe désormais un modèle qui peut être adapté et appliqué à d’autres communautés rurales de l’Inde.
Ce qui a commencé comme une expérimentation de l’agriculture durable est devenu un modèle de résilience, d’auto-suffisance et de revitalisation rurale.
Article paru le 19 avril 2025