(New York – 8 juillet 2015)

C’est en qualité de Présidente de l’université Amrita qu’Amma a prononcé le discours d’inauguration de la conférence pour la technologie au service du développement organisée conjointement par l’université Amrita et l’UNAI (Impact Universitaire des Nations Unies)…devant un public de chercheurs représentant 93 universités internationales majeures.

M. Ramu Damodaran, Président de l’UNAI, avait présenté Amma à l’assistance.

« Je salue humblement tous les dignitaires rassemblés ici aujourd’hui. Je voudrais également saisir l’occasion pour exprimer ma profonde gratitude envers l’UNAI pour l’organisation de cette manifestation et envers les principes d’unité représentés par l’ONU.

Vous êtes peut-être quelques-uns à vous demander : « est-ce que qu’un être spirituel comme Amma est à sa place ici ? » C’est ma foi dans la validité de la connaissance spirituelle qui m’amène ici devant vous aujourd’hui. Je réfléchis souvent en profondeur à l’avenir de la terre, à la préservation de la nature et à la disparition de l’harmonie entre l’humanité et la nature. Cette contemplation m’a convaincue que science, technologie et spiritualité doivent s’unir pour assurer une existence durable et équilibrée à notre monde. Notre époque et le monde qui nous entoure exigent une telle transformation.

Jour après jour, la science et la technologie avancent rapidement et de manière incontrôlable. Personne ne sait où mène cette croissance. En regardant autour de nous, nous voyons des développeurs, des producteurs, des distributeurs et des consommateurs – qui semblent tous pris d’une envie frénétique d’acquérir les dernières, les plus belles, les plus grandes nouveautés. En ce moment, l’humanité en est au même stade que l’enfant lâché dans un magasin de bonbons.

De nos jours, en restant allongé sur son lit, on peut commander n’importe quoi à boire, à manger, à regarder ou à écouter, et être livré chez soi. Plus besoin d’aller dans un magasin pour acheter quelque chose de neuf ou de seconde main. Il y a des sites web pour acheter tout et n’importe quoi. Internet révolutionne le monde et c’est tant mieux. Maintenant en un seul clic, on peut tout acheter – à une exception près : l’amour.

Nous avons tous des maisons, des voitures et des bureaux climatisés. Mais beaucoup de gens ne trouvent pas le sommeil dans leurs chambres climatisées et doivent prendre des somnifères. Il y en a même qui se suicident dans leurs résidences climatisées. Quelle leçon en tirer ? Il est impossible de trouver la paix de l’esprit grâce seulement au confort extérieur. Pour cela il faut climatiser le mental. La spiritualité nous aide à y arriver.

Nous vivons à l’âge d’internet. Partout sur la planète, il nous faut internet. Mais en plus de notre connexion internet, il nous faut redécouvrir notre connexion « intérieure ». La spiritualité nous enseigne la façon de gérer nos mondes intérieurs et extérieurs. Celui qui sait nager adore s’ébattre dans les vagues de l’océan mais celui qui ne sait pas nager aura vite fait de se noyer.

Qu’est-ce qui se passe dans la société ? Happée par la rapidité de la vie, l’humanité a oublié les valeurs humaines de base ; nous minimisons leur importance. Nous essayons de justifier les violences et les injustices que nous commettons au niveau individuel comme au niveau international. Puis nous balançons nos fausses excuses au reste de la société.

Il y a toujours eu des problèmes dans le monde. Cela fait des lustres que la société est aux prises avec les guerres, les conflits, la discrimination, liées aux systèmes de castes, à la religion et au statut social, sans oublier les conflits au sein des familles. Mais nos ancêtres avaient une autre vision de la vie. Ils avaient une conscience intime de trois facteurs : les hommes, la nature et la force invisible qui les relie harmonieusement.

Leur vision de la vie ne se contentait pas de prendre en considération les individus et la nature. Ils croyaient en une force qui forme la fondation de la nature et de tout être vivant – une force invisible qui relie tous les êtres à la nature. Ils considéraient cette force comme la partie la plus importante de la vie. Ils croyaient également que la nature tout entière et chaque être vivant sont comme des perles de différentes tailles et formes enfilées sur le fil unique de la création. D’où l’importance qu’ils attachaient au partage, au souci de l’autre, à la considération et à l’empathie. De nos jours, on étiquette cette mentalité de « primitive » et on rejette cette façon de vivre.

En observant le monde moderne, on voit une société d’abondance plongée dans la misère. Une avidité exagérée a aveuglé l’humanité et le résultat, c’est l’augmentation des actes inhumains. L’agitation mentale et le stress sont responsables de sortes de maladies inconnues auparavant.

L’humanité est à un carrefour. De nos jours, l’humanité ne base la vie que sur la science et la technologie. Mais au regard de notre situation présente, nous devrions essayer d’y intégrer au moins la pensée spirituelle.

Dernièrement, nous avons assisté à un grand nombre de catastrophes naturelles et de changements climatiques alarmants au niveau mondial, dont le réchauffement accéléré de la planète. Nous devons réfléchir en profondeur pour nous demander si l’homme pourra à lui seul stopper la catastrophe mondiale imminente.

Autrefois, comme les gens vivaient en harmonie avec la nature, ils cherchaient une date favorable avant de planter ou de couper un arbre. Avant de couper l’arbre, les gens commençaient par lui rendre hommage et s’excuser en disant : « je t’en prie, pardonne-moi ce que je vais faire. C’est seulement par nécessité que je te coupe. » Mais que se passe t-il aujourd’hui ? Non contents de ne planter que rarement des arbres, nous les détruisons, eux et la nature tout entière.

Quand Amma était enfant, les gens appliquaient de la bouse de vache sur leurs plaies pour accélérer la guérison et prévenir l’infection. Mais si on en faisait autant de nos jours, notre plaie s’envenimerait immédiatement. Ce qui avait autrefois des vertus médicinales s’est transformé en poison – tellement la nature est polluée.

De la même façon que nous célébrons en fanfare la fête des mères, la fête des pères, la saint Valentin et Thanksgiving, nous devrions consacrer une journée au respect et à la vénération de Mère Nature. Ce jour là, tout le monde devrait essayer de planter au moins un arbre. Cela pourrait même avoir lieu le jour de l’an, pour bien commencer l’année. En faisant cela, la terre deviendrait un paradis. Planter un arbre, c’est comme construire une maison pour Mère Terre.

Dans la création, tout a un rythme, l’univers est indéniablement relié à chacune des créatures qui l’habitent. L’univers ressemble à un vaste réseau interconnecté. Imaginez un filet. Si on le secoue d’un côté, on ressent la vibration sur toute sa surface. De la même façon, que l’on en ait conscience ou pas, toutes nos actions se répercutent dans toute la création – qu’elles soient le fait d’un individu ou d’un groupe. Nous ne sommes pas des îles individuelles mais les maillons d’une même chaîne.

Il y a harmonie quand l’homme, la nature et la force qui les dépasse fonctionnent à l’unisson. Pourtant nous n’attachons d’importance qu’aux êtres humains et à leurs découvertes. Il n’y a pas de place pour les valeurs dans notre façon de vivre aujourd’hui. De nos jours, les gens ont généralement tendance à penser que les valeurs sont superflues et sans intérêt.

Pour bien tourner, une machine a besoin d’huile. L’« huile » qui nous aide à vivre sans trop de friction, ce sont nos valeurs. C’est la spiritualité qui nourrit ces valeurs.

Il y a deux genres d’éducation, l’éducation pour gagner sa vie et l’éducation à la vie. Étudier à l’université, travailler pour devenir médecin, avocat ou ingénieur, c’est cela l’éducation pour gagner sa vie. Par ailleurs, l’éducation à la vie exige une compréhension des principes essentiels de la spiritualité. L’objectif véritable de l’éducation, ce n’est pas de former des gens capables de ne comprendre que le langage des machines. L’objectif principal de l’éducation devrait être de transmettre une culture du cœur – une culture basée sur des valeurs durables.

La spiritualité elle aussi est une science – c’est une branche saine de la connaissance que l’on ne peut pas se permettre d’ignorer. La communauté scientifique effectue des recherches dans le monde physique – dans une tentative de percer les secrets de l’univers. En réalité, les écritures spirituelles décrivent les expériences de ceux qui ont accompli une recherche intérieure intense afin de dévoiler ces mêmes secrets. Quand on n’utilise que les mathématiques, la physique et la logique pour se faire une idée de la spiritualité, on risque de passer à côté de ses subtilités. Nous devrions envisager la spiritualité avec la foi d’un enfant et l’émerveillement qui brille dans ses yeux et son esprit. Par le passé, des scientifiques célèbres considéraient l’univers et ses subtilités avec respect et émerveillement. Ils effectuaient leurs recherches avec la foi et la curiosité innocente des enfants. En fait, de nombreux éminents scientifiques ont reconnu la spiritualité vers la fin de leurs jours, mais il était trop tard. Amma prie pour que la communauté scientifique qui mène le monde aujourd’hui ne fasse pas la même erreur.

La vie est un mélange parfait de logique et de mystère – peut-être plus mystérieux que logique. Dans tous les domaines de la vie, la tête et le cœur devraient aller ensemble. Par exemple quand on mélange du sable blanc et du sucre, c’est très difficile de les séparer, même pour quelqu’un d’intelligent. Et pourtant, la fourmi, cette créature apparemment insignifiante – l’image même de l’humilité – arrive facilement à ne manger que le sucre.

Amma est née dans un petit village de pêcheurs, où 90% des habitants gagnaient leur vie au jour le jour. Beaucoup d’habitants souffraient d’une maladie de la valve cardiaque. Même quand on leur diagnostiquait un blocage de cette valve, ils ne pouvaient pas se faire opérer, car il fallait faire venir les valves de l’étranger et que cela coûtait très cher. Alors des gens qui auraient dû vivre jusqu’à l’âge de 70 ou 80 ans mouraient à 30 ou 40 ans. Amma se disait : « si seulement on pouvait trouver un moyen de fabriquer des valves qui ne soient pas aussi chères. » C’est comme cela qu’Amma s’est intéressée à la recherche dans le but de la mettre au service des pauvres.

La mortalité infantile est un problème majeur dans de nombreux pays. Pour chercher à savoir les causes de cette tendance, nous nous sommes rendus dans de nombreux villages en Inde. Dans certains villages, nous nous sommes rendu compte que les femmes se nourrissaient principalement d’herbes et de feuilles d’arbustes. Quand on leur a demandé comment cela se faisait, elles nous ont expliqué : « nos maris sont payés à la journée et ne trouvent du travail que tous les trois ou quatre jours. Comme nous manquons d’argent, nous achetons très peu à manger et nous finissons par donner ce que nous avons à nos maris. Pour tromper notre faim, nous mangeons certaines plantes et feuilles d’arbustes. » Même quand elles sont enceintes, elles continuent de se nourrir de cette façon pour subsister. Comment les enfants de femmes si dénutries pourraient-ils survivre ?

Dans certains villages, les femmes n’ont aucune éducation et sont analphabètes, leurs maris peuvent donc les exploiter en contrefaisant leur signature, au point de récupérer le peu d’aides qu’elles auraient pu recevoir du gouvernement. C’est pour cette raison que nous avons démarré des programmes d’alphabétisation pour les femmes. Nous avons également décidé d’offrir à ces femmes une formation professionnelle utilisant des interfaces tactiles.

Ailleurs, d’autres villageoises ont déclaré : « la paye de beaucoup de nos maris passe en alcool ou pour satisfaire d’autres mauvaises habitudes. Quand ils rentrent ivres, ils nous maltraitent. Même si nous avons assez de nourriture à la maison, nous n’arrivons plus à manger quoi que ce soit.

De nos jours, le fossé qui sépare les nantis des pauvres est le fléau du monde entier et cette disparité s’aggrave de jour en jour. Une montagne d’un côté et un abîme de l’autre – voilà la situation présente. D’un côté, il y a ceux qui gaspillent des millions en objets de luxe, et de l’autre il y a ceux qui souffrent de la faim et ont du mal à s’acheter de quoi s’acheter à manger une fois par jour et de quoi se soigner ne serait-ce qu’un seul jour. Si nous tardons encore à combler ce fossé, la situation va engendrer de la violence et même des émeutes à grande échelle. Il faut à tout prix jeter un pont de compassion entre ces deux groupes.

La pauvreté est un fléau terrible pour l’humanité, elle détruit toute bonté et tout talent. Elle est cause de toute dégradation morale.

Un jour, pendant qu’Amma donnait le darshan (traditionnellement le mot darshan signifie « avoir la vision d’un saint, ou d’une représentation sacrée », mais ici, il désigne la bénédiction d’Amma lorsqu’elle serre les gens dans ses bras) à l’étranger, un groupe d’enfants des rues qui vivaient plus ou moins sous terre dans le métro sont venus pour passer au darshan. Ils avaient fait des dessins pour Amma. La plupart de ces dessins représentaient des scènes de violence avec des bombes, des missiles et des navires de guerre. Un enfant avait fait un dessin de Jésus Christ et de la Vierge Marie, mais avec des pistolets à la main. Quand Amma a demandé à cet enfant pourquoi il avait dessiné Jésus Christ avec un pistolet à la main, il a répondu : « quand il aura faim, il faudra bien qu’il mange, non ? Avec un pistolet, il pourra dégainer pour agresser quelqu’un. »

Amma lui a demandé : « mon fils, est-ce que le seul moyen de gagner de l’argent, c’est de viser quelqu’un avec pistolet ? »

Le garçon a répondu : « c’est ce que fait mon père. »

«Ton père ne peut pas travailler pour gagner de l’argent ? » lui a demandé Amma.

Le garçon a répondu : « Mon père a assez de force pour travailler. Et il a déjà passé plusieurs entretiens, mais jamais personne n’a voulu l’embaucher. Personne ne veut embaucher des gens comme nous, c’est pourquoi mon père a un fusil. C’est comme cela qu’il trouve de quoi nous faire vivre. »

Les expériences personnelles et les situations dont ils sont témoins marquent profondément l’esprit des enfants. La pauvreté et le complexe d’infériorité que cela engendre se manifestent souvent sous la forme de tendances violentes, même chez les très jeunes enfants. C’est ainsi que les valeurs s’usent au sein de la société. Il faut de l’amour et de la compassion, tout particulièrement dans ces cas là.

De nombreuses personnes font preuve de cynisme envers la spiritualité. Qu’est-ce que la spiritualité ? La véritable spiritualité, c’est la compassion en action. Elle commence et culmine avec la compassion. Si nous pouvions faire en sorte que la compassion ne soit plus simplement une parole mais devienne une façon d’agir, nous pourrions résoudre 90 % des problèmes humanitaires mondiaux.

La première étape pour aider les autres, c’est de les aider à une prise de conscience. Même si les diabétiques prennent régulièrement des médicaments, s’ils continuent à manger sucré, leur taux de sucre dans le sang augmentera. L’hygiène alimentaire et le changement de style de vie sont donc aussi importants que les médicaments. Amma se souvient d’un incident qui est survenu dans un des villages que nous avons adoptés (dans le cadre des projets AmritaServe ou Live-in-Labs). Tout d’abord, dans chaque village, nous avons appris à un groupe de personnes à construire des toilettes et nous les avons laissés construire eux-mêmes ces toilettes. Quand nous sommes revenus dans ces villages au bout d’un moment, nous avons remarqué que les gens ne se servaient pas des toilettes. Ils ouvraient la porte de leurs nouveaux WC, regardaient à l’intérieur, comme s’il s’agissait d’un temple, et puis ils refermaient la porte et allaient se soulager dans le lac non loin de là – comme d’habitude. C’est alors que nous avons commencé à éduquer la population en expliquant que la défécation à ciel ouvert pollue l’eau et la terre, ce qui ensuite contamine notre nourriture et provoque différentes maladies infectieuses – dues à des parasites tels que l’ankylostome, etc. Cela a amené la communauté à une prise de conscience oh combien nécessaire.

Quand nous essayons d’aimer ou de nous mettre au service sans comprendre ceux que nous servons, nous finissons souvent par nuire à la société et à nous-mêmes. Pour que le service soit bénéfique, il faut qu’il aille de pair avec le discernement. C’est l’essence même du développement durable.

Un poisson s’ébattait dans la rivière. Un singe qui était venu se désaltérer remarqua le poisson et pensa : « ce pauvre poisson souffre, il est pris dans le courant. Il faut que je le sauve ! » Dans un élan de sympathie, le singe se précipita pour attraper le poisson et le posa sur la berge. Le poisson se mit à étouffer et ne tarda pas à mourir.

Et si le singe avait essayé de comprendre le poison au lieu de le mettre hors de l’eau ? Et s’il avait demandé : « veux-tu que je te sorte de l’eau ? » Le poisson aurait répondu : « oh non ! Si tu me sors de l’eau, je vais mourir ! » Agir sans comprendre, c’est faire comme le singe qui essaie de sauver le poisson. Le cœur et l’intellect doivent s’unir dans chacune de nos actions.

Un jour un homme a amené un petit garçon de 10 ans à Amma. Il voulait qu’Amma l’élève à l’ashram et il a raconté comment cet enfant était devenu orphelin. Comme son père était mort deux ans plus tôt, sa mère et sa sœur étaient allées travailler dans une usine de bougies près de chez elles. Par la suite, sa mère avait contracté une maladie rénale chronique qui la clouait au lit et l’empêchait de travailler. Avec le peu que gagnait sa sœur, ils arrivaient tout de même à joindre les deux bouts.

Au bout d’un moment, une loi a interdit le travail des enfants. Le propriétaire de l’usine fut arrêté et l’on ferma son entreprise. On renvoya tous les enfants qui y travaillaient. Affolée par la perte de leur seule source de revenus, un matin, la mère envoya son fils à l’école avant de s’empoisonner avec sa fille.

Il est légitime de fermer ce genre d’usines, mais nous oublions souvent les familles des jeunes enfants dont les revenus dépendent de leur travail. Quand nous essayons de résoudre un problème en ne voyant qu’un de ses aspects, sans avoir la vue d’ensemble, ce sont des gens sans aucune autre ressource qui en subissent les conséquences.

Les gens demandent : « quelle est l’importance de la spiritualité ? » La spiritualité nous aide à cultiver le discernement pour faire la distinction entre ce qui est essentiel et ce qui est excessif. Par exemple, nous avons besoin d’une montre pour donner l’heure. Ce que peuvent faire une montre à 9€ ou une montre à 90€. Si nous achetons la montre à 9€ et que nous utilisons le reste de l’argent pour aider les pauvres, cela rendra un grand service à la société. Même si nous voyons mille soleils se refléter dans mille pots remplis d’eau, il n’y a en réalité qu’un seul soleil. De la même façon, la conscience en chacun de nous est la même et unique Conscience. En adoptant ce genre d’attitude, nous serons capables de cultiver un mental qui pense aux autres avant de penser à soi. Tout comme notre main droite se précipite au secours de notre main gauche quand elle a mal, puissions-nous aimer et servir les autres comme nous-même.

Il y a deux types de pauvretés dans le monde. Le premier est dû au manque de nourriture, de vêtements et de logement. Le second, c’est la pauvreté d’amour et de compassion. Il faut en premier lieu s’attaquer au second. Car, si nous avons l’amour et la compassion, nous servirons et aiderons de tout notre cœur ceux qui n’ont pas de quoi se nourrir, se vêtir ni se loger.

Il y avait dans un village une belle statue d’un mahatma les bras tendus. Sur une plaque placée sous la statue étaient inscrits ces mots : « venez dans mes bras. » Au bout de quelques années, les bras tombèrent. Les habitants adoraient cette statue et se désolaient. Ils se réunirent pour tenter de décider ce qu’il fallait faire. Certains voulaient que l’on enlève la statue. D’autres objectèrent qu’il fallait faire refaire les bras. Mais en fin de compte un vieil homme se leva et déclara : « mais non, ne vous souciez pas de faire refaire les bras. Laissez la statue sans les bras. » Les villageois rétorquèrent : « mais et la plaque qui est dessous ? Il y est bien écrit : « venez dans mes bras ! » Le vieil homme répondit : « pas de problème. Juste en dessous de la phrase, il suffit d’ajouter : « en me prêtant vos mains pour travailler. »

Nous devons devenir les mains, les yeux et les oreilles de Dieu. Notre inspiration, notre force, notre courage doivent venir de Dieu. Alors la peur, le doute et le pêché ne nous entacheront jamais.

Le soleil n’a pas besoin de la flamme d’une bougie. De la même manière, Dieu n’a aucun besoin de nous. Tôt ou tard notre corps périra. Alors ne vaut-il pas mieux l’user au travail plutôt que de le laisser rouiller faute de s’en servir ? Sinon quelle différence y a t-il entre nous et les vers de terre ? Comme nous les vers de terre mangent, dorment, se reproduisent et finissent par mourir. Que faisons-nous de plus dans la vie ?

Mes enfants, on peut débattre de l’existence ou non de Dieu. Quoi qu’il en soit, aucune personne douée de bon sens ne peut nier l’existence d’êtres humains qui souffrent ; nous les voyons de nos yeux. Amma considère que rendre service à ce genre de personnes, c’est adorer Dieu. Amma prie pour que cette attitude de sacrifice de soi s’éveille chez ses enfants. Puisse le monde en arriver à comprendre grâce à vous tous que les eaux de l’amour, de la compassion, du service désintéressé et du sacrifice ne se sont pas taries dans le cœur des hommes.

Dans le village où Amma est née, il y avait un grand robinet pour environ un millier de familles. Chaque personne pouvait tout au plus remplir un pot d’eau, mais rien que pour cela il fallait faire la queue du matin au soir. Quelquefois il arrivait que l’on ne puisse pas tirer d’eau du tout. C’est à cause de telles expériences que si Amma voit un robinet qui fuit, c’est comme si son sang coulait à la place de l’eau.

Peut-être vous demandez-vous : « comment arrêter de gaspiller l’eau ? Vers qui se tourner pour trouver une solution ? » Amma a vécu sans même les commodités de base et a vu la souffrance autour d’elle. En conséquence, à chaque fois qu’elle voit quelqu’un d’autre souffrir, instinctivement elle ressent le besoin de lui venir en aide. La nature est notre mère. Notre mère de naissance nous garde peut-être sur les genoux pendant quelques années mais Mère Nature, elle, nous garde toute la vie sur son sein.

Amma a un souhait. Toutes les universités devraient au cours de leurs études envoyer les étudiants passer au moins un mois ou deux dans des villages pauvres en zone rurale ou dans des bidonvilles. Ils verraient ainsi directement les problèmes et les difficultés auxquelles sont confrontés les pauvres. Ils pourraient ensuite mettre au point des solutions et écrire des rapports sur tout ce qu’ils ont étudié. Cela contribuerait à aider les pauvres de manière très efficace tout en éveillant la compassion des jeunes d’aujourd’hui.

De nos jours on classe principalement les universités en fonction des dotations qu’elles reçoivent, du nombre de publications qu’elles produisent et de leur calibre intellectuel. Les professeurs d’université sont également promus en fonction de ces mêmes critères. Il faudrait également prendre en considération la façon dont nous avons pu utiliser leur recherche pour le bénéfice des couches sociables les plus basses et les plus vulnérables. Ce serait alors comme de l’or qui se mettrait à dégager un parfum. Dans notre approche du développement durable, n’oublions pas que c’est en renforçant les gens à la base de la pyramide que l’édifice social tout entier respirera la santé et la force.

Le plus grand crime contre l’humanité commis au siècle dernier a été de couper la science de la spiritualité. Ces deux principales branches du savoir qui auraient dû avancer main dans la main ont été séparées et leurs pratiquants ont été étiquetés soit comme des scientifiques modernes soit comme des représentants des confessions religieuses. « Seules les découvertes scientifiques font appel à la logique et à l’intelligence. Elles sont la seule vérité. La foi religieuse est aveugle et mal guidée. » Voilà l’idéologie qui a été popularisée. Toutes les catastrophes naturelles récentes et les inquiétants changements climatiques mondiaux menacent la survie future de la belle terre sur laquelle nous vivons. De nos jours les gens sont nombreux à penser que tout cela est peut-être dû au fait d’avoir mis la science et la spiritualité sur les deux plateaux opposés de la balance et d’avoir jugé que l’un des deux était bien plus important que l’autre.

Si nous voulons que nos actions portent les fruits désirés, trois facteurs sont nécessaires : le bon moment, l’effort personnel et la grâce de Dieu. Amma donne l’exemple d’un homme qui se rend très loin pour un entretien d’embauche. Il se réveille tôt, prend sa voiture et arrive à l’heure à l’aéroport. Mais, après l’enregistrement, il apprend que l’avion a une panne de moteur ou que la météo est trop mauvaise et que le vol est annulé. Dans ce cas, cet homme a fait sa part d’effort et il est arrivé à l’heure à l’aéroport, mais comme la grâce de Dieu lui a fait défaut, il n’a pas pu assister à l’entretien. De la même façon, la grâce divine nous est nécessaire pour mener toutes nos actions à bien et leur donner un sens.

Puissent l’arbre de nos vies s’enraciner dans le terreau de l’amour. Puissent les bonnes actions en être les feuilles, les paroles aimables en être les fleurs et la paix en être le fruit. Puisse le monde s’épanouir tel une seule famille, unie dans l’amour. Puissions-nous ainsi créer un monde dans lequel la paix et le contentement régneront. Telle est la sincère prière d’Amma.

Puissent tous les êtres partout être en paix et heureux. »